Au mois de mai dernier, je vous avais annoncé que j’allais évoquer les rêves de chefs militaires ou de chefs d’état (voir ci- dessous comment trouver ces études). Je vous ai ainsi raconté le rêve de Gédéon, qui, il y a il y a 3000 ans lui assurait la victoire ; vous avez constaté aussi comment deux rêves ont conduit Alexandre le Grand dans ses conquêtes ; ensuite vous avez vu comment deux rêves ont guidé Jules César dans sa vie: à 30 ans, l’un lui annonçait sa prodigieuse carrière, 25 ans plus tard l’autre lui montrait qu’il avait accompli son extraordinaire destin et pouvait mourir. Aujourd’hui, je poursuis mon récit avec un rêve reçu 2000 ans plus tard : le très célèbre rêve d’Abraham Lincoln, qui, comme pour César, lui annonçait sa mort.
En ce mois d’avril 1865, le Président Abraham Lincoln a des raisons d’être satisfait : Il s’est révélé un homme politique et un chef militaire remarquable au moment de la guerre de Sécession.
Pendant cette guerre, il a été le commandant en chef des armées nordistes. Sa victoire dans la guerre civile ne fait plus de doute. Le Général nordiste Grant vient de prendre le dessus et le Général Lee, le valeureux chef des armées sudistes, vient juste de capituler le 9 avril 1865 à Appomatox .
Lincoln proclame l’abolition de l’esclavage.
Ainsi celui qui était un petit avocat de province a conduit en 4 ans son pays à travers une grave crise constitutionnelle, morale et militaire et a mis fin à la guerre civile.
Le 11 avril 1865 une soirée agréable s’annonce, Abraham Lincoln reçoit ses invités à la Maison-Blanche.
Mais le président est d'humeur sombre.
Son biographe et ami Lamon raconte :
Pendant le dîner la conversation se porte sur les rêves et la Bible.
"Les rêves sont bien souvent présents dans la Bible, s’exclame le Président ! Je pense qu'il y a environ 16 chapitres dans l'Ancien Testament et 4 ou 5 dans le Nouveau où il est question des rêves. Et il y a encore bien d'autres passages à ce sujet, dispersés dans tout le livre. Si nous croyons en la Bible, il nous faut accepter le fait que, dans les jours anciens, Dieu et ses anges venaient à l'homme pendant son sommeil et se faisaient connaître dans des rêves".
- Et toi, tu crois aux rêves, lui dit sa femme Mary ?
- Non, mais je viens d’en faire un qui n’arrête pas de me hanter.
- Tu peux nous le raconter lui demande-t-elle ?
Le Président raconte alors son rêve, qu’il a reçu quelques jours plus tôt, juste au moment où la guerre prenait fin.
« - Il y a dix jours, j’étais très soucieux, j’attendais des dépêches venant du front. Je me suis couché très tard, et me suis endormi immédiatement.
J'ai fait alors un rêve qui me poursuit depuis lors.
J’étais dans ma chambre. « J'entendais des sanglots, c'était comme si un grand nombre de gens pleuraient doucement ; mais cette foule éplorée restait invisible à mes yeux.
Je suis passée dans une autre pièce ; il n'y avait personne, pourtant les mêmes bruits de pleurs me suivaient à mesure que j'avançais » à travers la Maison Blanche.
« Chaque objet m'était familier, mais je ne pouvais voir nulle part ces gens qui se désolaient comme si leur coeur allait se briser.
J'étais intrigué et inquiet. Qu’est-ce que tout cela pouvait signifier ?
Je suis entré dans le Salon Est. Une surprise m'a serré le coeur. Sur un catafalque reposait un cadavre sous un suaire.
Des soldats semblaient monter la garde et une multitude de gens contemplaient tristement le corps dont le visage était caché.
- Qui est mort à la Maison Blanche, ai-je demandé à un soldat ?
- Eh bien, Monsieur, c’est le président qui est mort, il a été assassiné.
Un long sanglot de douleur est alors monté de la foule et cela m'a immédiatement réveillé.
Le Président raconte alors qu’il a pris sa Bible sur sa table de chevet et qu’il l’a ouverte au hasard, pour tomber chaque fois sur un passage où il était question de rêves ou de visions.Puis il conclut :
« Je ne me suis pas rendormi cette nuit-là, et même si ce n'était qu'un rêve, il m’a étrangement dérangé. Mais, bon, allons ! N'en parlons plus."
Trois jours plus tard, le vendredi saint 14 avril 1865, Lincoln se rend au théâtre. Pendant la représentation le sudiste John Wilkes Booth s'introduit dans sa loge derrière lui et lui tire une balle à bout portant derrière la tête, au niveau de la nuque. Les médecins accourent et voient tout de suite que la balle a atteint le cerveau. Ils le transportent dans une maison en face du théâtre où il passe la nuit, sans reprendre connaissance. Lincoln meurt le lendemain matin, à 7 h 22, à l’âge de 56 ans.
Des millions de personnes assistent à ses obsèques et pleurent ce héros et martyr.
Commentaire
Après son rêve Lincoln fait une expérience insolite : feuilletant sa Bible au hasard, il tombe à répétition sur de nombreux passages qui montrent l’importance des rêves ou des visions. Il en fait même le compte, il y en a au moins 20, et d’autres encore sont mentionnés, dispersées ça et là. Donc, plus de 20 fois, il tombe sur des rêves !
Il aurait du considérer comme un signe cette répétition insistante, étrange, qui défie tous les hasards. Il aurait du se demander quel en était le sens. Il y aurait vu un signal d’alarme du destin, et disons même du divin. Ne dit-il pas lui-même à ses invités :
« …Dans les jours anciens, Dieu et ses anges venaient à l'homme pendant son sommeil et se faisaient connaître dans des rêves".
Et aujourd’hui alors ?
Ne vient-il pas de lire dans le livre de Job, ch. 33, v. 14-18 :
« Dieu parle cependant, tantôt d’une manière,
Tantôt d’une autre, et l’on n’y prend point garde
Il parle par des rêves et des visons nocturnes
Quand les hommes sont livrés à un profond sommeil…
Alors il leur donne des avertissements…
Afin de détourner leur vie des coups du glaive. » ?
Pour quelle raison le grand Président n’a-t-il pas tenu compte de son rêve, qui le mettait en garde pour l’amener à éviter toute situation où pourrait avoir lieu l’assassinat, dont le rêve parle si clairement ?
Pourquoi n’a-t-il pas pris les précautions nécessaires ? Pourquoi s’est-il exposé publiquement au théâtre ?
Sans doute est-ce parce qu’il ne croyait pas aux rêves, comme il l’a dit.