4 LES RÊVES VOUS DISENT CE QUE VOUS NE CROYEZ PAS
Le rêve que je vous expose aujourd’hui est terrible. Encore une fois, je le répète, ce n’est pas moi qui ai crée ce rêve. Ce n’est donc pas ma faute si ce rêve vous renverse.
Comme je l’ai déjà montré sur mon blog, vous savez que le rêve vient souvent faire le commentaire d’une situation vécue la veille. On le comprend alors en le mettant en rapport avec l’expérience concrète du moment. Je vais donc vous dire quelques mots de Michèle et des circonstances dans lesquelles son rêve est intervenu.
La rêveuse s’enthousiasme avec sincérité à de multiples démarches qui se veulent thérapeutiques. Elle sympathise avec le bouddhisme et pense que l’Amour Universel, l’ouverture du cœur, vont apporter le bonheur à l’humanité.
Elle s’intéresse aussi aux rêves, elle se réclame de Jung.
Cependant, comme beaucoup, elle n’a pas compris les études menées par ce grand esprit sur l’alchimie et l’existence du bien et du mal.
« Le mal, dit Jung, doit être considéré avec autant d’attention que le bien, …tous deux faisant partie du clair obscur de la vie. En dernier ressort, il n’est pas de bien que ne puisse susciter de mal, ni de mal qui ne puisse engendrer de bien. » (1)
Mais pour notre amie, le mal n’existe pas. Elle vient ainsi de publier sur le net un article qui explique que le mal n’est que l’absence du bien. C’est là la vieille doctrine de la « privatio boni, » « absence du bien », mise au point autrefois par les théologiens catholiques. Dieu étant - ou étant considéré comme - le Bien Suprême, le « Summum Bonum », il n’a pas crée le mal, et le mal n’est que l’absence de bien.
Jung n’a pas cessé de dénoncer cette doctrine de la privatio boni qui, outrepassant ses droits, se permet de définir l’Inconnaissable à partir de conceptions humaines.
J’écris un mail à Michèle et lui fais remarquer que son affirmation est en total désaccord avec les rêves, et avec les travaux de Jung sur les rêves et l’alchimie. Depuis que je les étudie moi-même, j’ai vu, moi aussi, des rêves qui confirment ce que Jung a écrit. J’en ai rencontré certains alors que j’ignorais tout de l’œuvre de Jung. Mon livre « Rêves à Vivre » (2) en contient quelques exemples.
La nuit suivante, Michèle reçoit un rêve affreux. Le lendemain, avec beaucoup de gentillesse et de bonne volonté, elle m’honore de sa confiance et m’adresse son message nocturne.
Rêve
J’étais dans le pilier droit d’un temple ou d’une entrée d’un lieu sacré…J’étais comme la mémoire du pilier, mais je bougeais dedans, c’était plutôt confort.
Un chariot est passé tout près de moi et a frotté le pilier. Alors, dans le chariot, le Christ, qui était lié, a tourné la tête et m’a souri. Il n’avait plus de dents, et ses lèvres étaient blessées, rougies de sang. Sa tunique rouge couvrait ses pieds liés par un long serpent noir. Le serpent noir pleurait et léchait les pieds du Christ. Il y avait des œufs verts sur le plancher du chariot. Le Christ pondait ces œufs verts sous sa tunique.
Je suis sortie du pilier et j’ai avalé des œufs.
Le cœur se serre à lire ce rêve.
Analysons les différentes images.
Interprétation
J’étais dans le pilier droit d’un temple ou d’une entrée d’un lieu sacré…
L’entrée du lieu sacré désigne le moment où l’on se tourne vers la divinité, où l’on « vient dans son temple adorer l’Eternel. » (3)
J’étais dans le pilier droit, j’étais comme la mémoire du pilier, mais je bougeais dedans, c’était plutôt confort.
L’image est surprenante. On s’attendrait à je me tiens « contre » ou « à côté » du pilier. Je suis « dans » le pilier droit montre que la rêveuse est intégrée dans la masse, à droite.
Le rêve souligne d’emblée une opposition entre la droite et la gauche.
A droite, de façon consciente et intellectuelle, la rêveuse professe les normes et les idéaux de la mentalité extérieure, l’amour universel et le bien. Elle les soutient, elle en est même la mémoire. Elle transmet ce qu’elle a consciemment appris. Et c’est plutôt « confort ».
L'image "dans le pilier à droite" illustre la position que Michèle a adoptée la veille, quand elle a affirmé que le mal, n’étant que l’absence de bien, n’existe pas.
Ainsi, quand, à l’entrée du temple, il est question de rencontrer la divinité, la rêveuse dans ses idées conscientes n’a aucun contact avec le pilier gauche, avec le domaine de l’inconscient, qui n’est pas conforme à l’ordre conscient : tout ce qui concerne le corps, l’instinct, l’irrationnel, et en particulier les réactions autonomes, les ressentis, les émotions, voilà le négatif, le mal qu’elle nie, parce que c’est plus confortable.
Qui ose regarder le problème du mal, qui est tellement inconfortable ? C’est bien plus facile de le nier.
Mais le rêve, lui, va aborder cette question, sans détours. Il va montrer à la rêveuse ce qui se passe dans l’image divine en elle, quand elle affirme que Dieu n’est qu’amour. Alors lui apparaît le dieu, qui n’est pas seulement une idée, mais qui a pris forme de chair dans le corps humain, dans le Christ .
Voyons donc ce que devient le Christ, la représentation de la divinité incarnée:
Un chariot est passé tout près de moi et a frotté le pilier.
Alors, dans le chariot, le Christ, qui était lié, a tourné la tête et m’a souri.
Qui est le Christ ?
C’est un homme qui toute sa vie a agi en suivant sa voix intérieure et non les règles de la morale extérieure.
Il s’est ainsi opposé constamment à l’ordre conscient régnant.
Il a soigné les malades le jour du sabbat où il était interdit de faire quoi que ce soit ; il a pris auprès de lui la prostituée Marie Madeleine, il a chassé brutalement les marchands du temple. Malgré la désapprobation et la fureur des prêtres, dignes ancêtres des talibans, il a sauvé une femme adultère en train d’être lapidée ; et j’en passe.
Le Christ a consacré sa vie à expliquer comment aimer véritablement : il a fait ce qui était jugé mal pour amener un changement et permettre un bien. En faisant scandale, il a osé dénoncer les lois malsaines, affronter la colère de ceux qui en transmettent la mémoire depuis des siècles. C’est pour cela qu’il a été crucifié. Mais sa parole créatrice a changé le monde.
Revenons à notre rêveuse. Qu’est donc devenu en elle le Christ, cette image-force du divin dans l’homme, qui s’est opposé à la loi et à la mentalité extérieures ?
Il a été ligoté.
Michèle, ne considérant que le point de vue des idéaux extérieurs, paralyse le Christ en elle, elle bloque toute inspiration par sa voix intérieure, tout mouvement instinctif et irrationnel jugé négatif.
Quand il passe à côté d’elle dans son pilier, il la voit, il tourne la tête vers elle et lui sourit.
Quelle marque de tendresse, d’amour ! Même entravé, l’homme- dieu lui montre qu’il la reconnaît, qu’il l’aime.
Il n’avait plus de dents, et ses lèvres étaient blessées, rougies de sang.
Que s’est-il passé ? On a torturé le Christ, on lui a « cassé la gueule » au sens propre.
Il n’a plus de dents
Une amputation irrémédiable a eu lieu. La représentation de la divinité, qui détermine en finale tous les choix de vie, a été disloquée à un tel point qu’elle est devenue inefficace. Sans dents, on ne peut plus ni juger, ni trancher, ni décider. Sans dents, impossible d’être incisif ou mordant, impossible de se défendre. Impossible aussi de mâcher, de trier, d’analyser, de réfléchir, de critiquer, de rejeter ce qui est inacceptable. (4)
Les lèvres sont blessées, rougies de sang.
On a cogné sur la bouche du Christ, on a blessé ses lèvres pour l’empêcher de parler. L’image est très claire. Le rêve montre que la façon dont Michèle se représente le Christ - dieu d’amour n’est pas l’image originelle. Cette image a été défigurée. Le vrai message du Christ a été trahi.
Ce rêve est reçu par une rêveuse en particulier. Mais elle n’est pas la seule à notre époque.
Je vous ai raconté sur mon blog le rêve d’une fillette devant une situation similaire : le Christ lui apparaît, estropié. On lui a flanqué dans une jambe des coups de pieds qui l’ont rendu invalide. (5)
Je vous ai rapporté également l’an dernier un rêve où le Christ était présenté sous la forme d’un bodhisattva. On lui avait pissé dessus. (6)