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Christiane Riedel - Page 92

  • HISTOIRES DE CHATS

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    1 UNE CHATTE NOMMÉE PROVIDENCE

     

    Nous allons passer aujourd’hui à un rêve aimable et sympathique, qui viendra contraster avec les images terribles du rêve précédent. Comme l’expliquait un rêve lui-même, il y a des rêves très différents, parce que les gens sont très différents.

     

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    Gentiane vient de vivre une expérience bouleversante. Il y a quinze jours, sa petite chatte appelée Merveille s’est confiée à elle et a mis bas dans ses mains trois minous adorables.

    Les enfants émus, sont en admiration devant l’œuvre de la Nature. La cadette Flore en a même simulé un mal de ventre pour ne pas aller à l’école et rester avec les chatons. L’aînée Sarah, brillante élève de 12 ans, a cherché sur Internet, elle a tout lu sur les chats et tout assimilé.

    Vendredi dernier la vétérinaire a appelé Gentiane pour lui demander un grand service. Elle lui a raconté une histoire effroyable :

    Dans la cité du coin des voyous ont battu à mort une chatte en train d’accoucher. Les trois chatons ont été retrouvés morts vivants enterrés dans un pot de fleurs. Est-ce que Merveille pourrait nourrir ces trois autres petits ?

    Gentiane a emmené la petite maman chez la vétérinaire. La maman en elle lui a parlé avec tendresse, avec respect :

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    - Merveille, est-ce que tu veux  bien nourrir ces petits chatons ?

    Merveille a regardé Gentiane avec une expression intense, dans ses yeux verts coulait de l’or liquide, il y avait là tant d’amour exprimé que Gentiane s’est mise à pleurer.

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    Doucement, trois fois de suite, Merveille a posé sa patte sur sa main.

    Puis, à chaque fois, elle a entouré de sa patte une des petites bêtes posées à côté d’elle et elle l’a amené doucement contre une de ses mamelles.

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    La jeune femme est rentrée à la maison, qui a accueilli dans la joie trois nouveaux chatons : une petite femelle à poil gris et deux mâles marron glacé.

    Le soir à table, chacun cherche comment appeler les nouveaux arrivants :

    - Caramel, Carambar, Cacahuète, Cachou ?

    - Oh non, s’exclame Gentiane !. C’est trop banal. Il faut tenir compte de ce qui vient de se passer. Ils ont été sauvés in extremis de la mort. Que pensez-vous de les appeler Chance, Miracle et Providence ? C’est la petite chatte qui portera le nom de Providence.

    Toute la famille acquiesce.

    La nuit suivante, Sarah, notre adolescente, reçoit un rêve très court :

     

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    Rêve

    Je me vois avec Providence. Je suis en train de lui donner le biberon.

    Elle me téléphone immédiatement et voici le dialogue qui s’en est suivi.

    Interprétation

    - Eh bien, Sarah, dis moi qu’est-ce que c’est que donner le biberon ?

    - C’est  donner à un bébé ce dont il a besoin pour avoir de la force et le faire grandir.

    - Alors, dans ton rêve tu t’occupes de Providence pour la faire grandir. Dis moi maintenant qu’est-ce qu’un chat ?

    - C’est un animal.

    Et pour toi, c’est comment un chat ?

    - C’est indépendant, mignon, agressif avec des griffes rétractiles. Il est attaché à l’homme et peut être très gentil et câlin. Et puis il a aussi des yeux qui voient dans le noir.

    Je ne pense pas qu’à 12 ans on sache bien clairement ce qu’est un instinct. Alors j’explique :

    - Tu vois, Sarah, nous les hommes nous avons deux façons d’agir : soit nous agissons selon notre raison, soit selon notre instinct. Un animal, lui, est guidée par son instinct. Il se comporte de façon naturelle, spontanée, il respecte ce qu’il ressent dans son corps. L’animal ne calcule pas, il ne cache pas ses émotions, il réagit immédiatement, il s’exprime et fait connaître ses besoins, son plaisir ou son mécontentement.

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    Tu sais, beaucoup de personnes ne réagissent pas de cette manière instinctive. Elles ne fonctionnent qu’avec leur raison, elles raisonnent, élucubrent dans leur tête toutes sortes de scénarios et imaginent des solutions :

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    Par exemple elles se disent :

    - Si untel réagit comme ci, je ferai ci.  Et s’il me dit ça, alors je lui répondrai ça.

    Au lieu de réagir spontanément et de s’adapter naturellement à toute situation imprévue, elles veulent tout préparer à l’avance, elles veulent tout prévoir, tout calculer pour que tout se passe selon leurs idées et à leur avantage. Elles ont perdu leur instinct. Est-ce que tu comprends ce que je veux dire ?

    - Oui, oui, moi aussi quelquefois je calcule comme ça dans ma tête.

    - Mais oui, nous faisons tous cela un jour ou l’autre.

    Bon, regardons maintenant ton rêve : tu nourris le petit chat. Le rêve te propose donc de développer ton instinct chat. Quel est cet aspect de toi ? Tu veux bien me le redire ?

    - Oui, eh bien, le chat est indépendant, mignon, câlin, gentil, attaché à l’homme.

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    Mais il peut être aussi agressif, sortir ses griffes.

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    - Alors, que peut vouloir dire ton rêve, à ton avis, quand tu nourris cette petite bête ?

    - Je dois nourrir en moi cette façon d’être ?

    -Tout à fait, ton rêve te conseille de développer en toi tes réactions instinctives, savoir, comme le chat, garder ton indépendance, être gentille et câline, mais aussi, si tu le ressens comme ça, sortir tes griffes. Et Dieu sait si quand le chat vous griffe, ça fait mal !

    - Tu peux m’expliquer un peu ?

    - Sortir ses griffes ? Tu l’as dit, c’est devenir agressif, tu peux alors blesser par des critiques acérées, vexantes. Alors tu n’es pas gentille, mais tu montres

    que, pour te protéger, tu es capable de faire mal et d’attaquer.

    Qu’est-ce que tu as dit encore du chat ?

    - Ah oui ! Il voit dans la nuit !

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    - Et qu’est-ce que tu en déduis ?

    - Oh ! je verrais dans le noir ?

    - Exactement, c’est ton instinct chat qui te permet de savoir ce que tu dois faire, quand, même avec tes réflexions tu ne sais pas t’y retrouver.

    Sarah écoute, devient songeuse un instant et s’écrie :

    - Mais pourquoi c’est Providence que je nourris, pourquoi ce n’est pas un autrechat ?

    Ah ! Quelle belle question ! Bravo Sarah ! Pour y répondre correctement, il faut connaître le sens exact de ce mot. Tu sais ce que c’est que la Providence ?

    - C’est la chance ?

    - Non pas vraiment. Regarde le dictionnaire :

    « Le mot providence  vient du verbe latin «  providere » voir en avant, prévoir et pourvoir, fournir. Il désigne chez les Grecs et chez les Romains la prévoyance divine, et en français, la suprême sagesse de Dieu gouvernant  la création. Puis le sens s’étend pour parler d’une personne ou d’une chose qui est cause de bonheur.

    - Je ne comprends pas très bien, qu’est-ce que ça veut dire : je dois nourrir Dieu ?

    - Ta question est tout à fait justifiée. Regardons l’image précisément : tu nourris cette petite chatte. Rappelle-toi ce que nous avons dit de cet animal : c’est une force instinctive qui te donne ton indépendance, qui te fait réagir spontanément et sans calcul selon les situations. Ainsi par exemple tu te montres naturellement gentille ou agressive ; avec cette force tu n’es jamais perdue : c’est elle qui te guide pour te permettre de voir et de t’orienter quand tes calculs et tes réflexions ne te conduisent à aucune solution.

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    Et dis moi, cet instinct s’appelle comment ?

    - Providence ! Ah ! Cet instinct s’appelle Providence, parce que c’est Dieu qui me guide ?Et c’est cet instinct que je dois nourrir pour qu’il devienne plus fort ?

    - Oui, c’est la déduction logique de ton rêve : Dieu c’est cette force en toi qui « prévoit » mieux que ta tête et tes calculs, c’est cette force qui va t’apporter ce dont tu as besoin dans ta vie au moment où tu ne sais pas comment faire, c’est elle qui est la cause de ton bonheur.

     

    Oh la la !

    Qu’on est loin de toutes les démarches actuelles, de ces vendeurs de bonheur qui vous promettent de ne plus connaître la souffrance, de vivre l’extase, la paix, l’harmonie et vous emmènent pour cela à l’autre bout du monde, en Inde, en Amérique du Sud ou ailleurs ; ils vous présentent des maîtres qui vont vous faire accéder à des niveaux supérieurs de conscience, grâce à des techniques remarquables et sophistiquées. Vous allez développer des pouvoirs psychiques, vous allez peut être devenir un maître vous-même, par exemple canal des Energies Universelles.

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    Oh la la !

    Avec le rêve, c’est vraiment trop simple, trop facile et pas assez coûteux ! Tout est là, en nous-même. Il suffit d’être spontané et naturel et d’écouter la force intérieure qui nous habite. Cette force s’appelle Dieu, la Providence, qui pourvoit à nos besoins et notre bonheur. Elle est présente à chaque instant : le jour elle se manifeste dans les réactions instinctives et les intuitions, et la nuit elle s’exprime dans les rêves. Mais… nous ne l’écoutons plus.

     

    Il est émouvant de constater comment le rêve vient prendre soin de cette jeune adolescente qui entre dans la vie, pour lui montrer l’essentiel, la vitalité instinctive, avant qu’elle ne la perde par un excès d’intellectualisme civilisé, quand l’homme en est arrivé à devenir son pire ennemi.

    Je conclurai avec ces paroles de Jung au sujet de l’instinct et de l’intuition :

    « Mon expérience de psychologue m’a montré de façon permanente que certains

    contenus proviennent d’une psyché (l’inconscient) plus complète que le conscient.

    Fréquemment ils témoignent d’une puissance d’analyse, d’introspection ou de connaissances que le conscient correspondant n’était pas capable de fournir. Nous possédons un mot adéquat pour désigner ce phénomène : l’intuition. En le prononçant la plupart des gens éprouvent l’agréable sentiment d’avoir réglé une question épineuse. Ils ne tiennent jamais compte du fait qu’on ne fabrique pas à volonté une intuition. Au contraire, c’est l’intuition qui vient vers vous : vous avez une idée, née d’elle même, et vous ne la saisissez que si vous êtes assez prompt pour l’attraper. »

     

    Il dit aussi :

    « Sans le savoir, l’homme s’occupe toujours de Dieu. Ce que certains appellent instinct ou intuition n’est rien d’autre que Dieu. ..On peut faire l’expérience de Dieu chaque jour. .. »

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    Nous venons de voir en détails l’interprétation de ce rêve. La prochaine fois nous verrons comment la maman a repris ce rêve avec sa fille.

     

     

    Bibliographie

    (1) Psychologie et religion, Carl Gustav Jung, éditions Buchet Chastel, p. 84

    (2) Jung parle, Rencontres et interviews, éditions Buchet Chastel, p.196, 197

     

    Illustrations

    Je remercie les artistes et les photographes dont les œuvres m’ont permis d’illustrer mon blog.

    Photos de Merveille, archives personnelles

    Patte de chat dans la main : cemmontargis.fr

    Câlin chaton et bébé :untibebe.com

    Griffes de chat : purina.fr

    Chat et lune : mamiejosiane.centerblog.net

    Chat gris : Photo faite par Kiki : kikikat.overblog.com

    Maitre : yosoylucialaluzdelmundo.blogs. net

    Providence : Sea de l’artiste russe contemporain Vladimir Kush, bruixeta.centerblog.net

     

  • 4 LES RÊVES VOUS DISENT CE QUE VOUS NE CROYEZ PAS

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    4 LES RÊVES VOUS DISENT CE QUE VOUS NE CROYEZ PAS

     

    Le rêve que je vous expose aujourd’hui est terrible. Encore une fois, je le répète, ce n’est pas moi qui ai crée ce rêve. Ce n’est donc pas ma faute si ce rêve vous renverse.

    Comme je l’ai déjà montré sur mon blog, vous savez que le rêve vient souvent faire le commentaire d’une situation vécue la veille. On le comprend alors en le mettant en rapport avec l’expérience concrète du moment. Je vais donc vous dire quelques mots de Michèle et des circonstances dans lesquelles son rêve est intervenu.

    La rêveuse s’enthousiasme avec sincérité à de multiples démarches qui se veulent thérapeutiques. Elle sympathise avec le bouddhisme et pense que l’Amour Universel, l’ouverture du cœur, vont apporter le bonheur à l’humanité.

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    Elle s’intéresse aussi aux rêves, elle se réclame de Jung.

    Cependant, comme beaucoup, elle n’a pas compris les études menées par ce grand esprit sur l’alchimie et l’existence du bien et du mal.

    « Le mal, dit Jung,  doit être considéré avec autant d’attention que le bien, …tous deux faisant partie du clair obscur de la vie. En dernier ressort, il n’est pas de bien que ne puisse susciter de mal, ni de mal qui ne puisse engendrer de bien. » (1)

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    Mais pour notre amie, le mal n’existe pas. Elle vient ainsi de publier sur le net un article qui explique que le mal n’est que l’absence du bien. C’est là la vieille doctrine de la «  privatio boni, » « absence du bien », mise au point autrefois par les théologiens catholiques. Dieu étant - ou étant considéré comme - le Bien Suprême, le « Summum Bonum », il n’a pas crée le mal, et le mal n’est que l’absence de bien.

    Jung n’a pas cessé de dénoncer cette doctrine de la privatio boni qui, outrepassant ses droits, se permet de définir l’Inconnaissable à partir de conceptions humaines.

     

    J’écris un mail à Michèle et lui fais remarquer que son affirmation est en total désaccord avec les rêves, et avec les travaux de Jung sur les rêves et l’alchimie. Depuis que je les étudie moi-même, j’ai vu, moi aussi, des rêves qui confirment ce que Jung a écrit. J’en ai rencontré certains alors que j’ignorais tout de l’œuvre de Jung. Mon livre «  Rêves à Vivre » (2) en contient quelques exemples.

    La nuit suivante, Michèle reçoit un rêve affreux. Le lendemain, avec beaucoup de gentillesse et de bonne volonté, elle m’honore de sa confiance et m’adresse son message nocturne.

     

    Rêve

    J’étais dans le pilier droit d’un temple ou d’une entrée d’un lieu sacré…J’étais comme la mémoire du pilier, mais je bougeais dedans, c’était plutôt confort.

    Un chariot est passé tout près de moi et a frotté le pilier. Alors, dans le chariot, le Christ, qui était lié, a tourné la tête et m’a souri. Il n’avait plus de dents, et ses lèvres étaient blessées, rougies de sang. Sa tunique rouge couvrait ses pieds liés par un long serpent noir. Le serpent noir pleurait et léchait les pieds du Christ. Il y avait des œufs verts sur le plancher du chariot. Le Christ pondait ces œufs verts sous sa tunique.

    Je suis sortie du pilier et j’ai avalé des œufs.

     

    Le cœur se serre à lire ce rêve.

    Analysons les différentes images.

     

    Interprétation

    J’étais dans le pilier droit d’un temple ou d’une entrée d’un lieu sacré…

    L’entrée du lieu sacré désigne le moment où l’on se tourne vers la divinité, où l’on « vient dans son temple adorer l’Eternel. » (3)

     

    J’étais dans le pilier droit, j’étais comme la mémoire du pilier, mais je bougeais dedans, c’était plutôt confort.

    L’image est surprenante. On s’attendrait à je me tiens « contre » ou « à côté » du pilier. Je suis « dans » le pilier droit  montre que la rêveuse est intégrée dans la masse, à droite.

    Le rêve souligne d’emblée une opposition entre la droite et la gauche.

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    A droite, de façon consciente et intellectuelle, la rêveuse professe les normes et les idéaux de la mentalité extérieure, l’amour universel et le bien. Elle les soutient, elle en est même la mémoire. Elle transmet ce qu’elle a consciemment appris. Et c’est plutôt « confort ».

    L'image "dans le pilier à droite" illustre la position que Michèle a adoptée la veille, quand elle a  affirmé que le mal, n’étant que l’absence de bien, n’existe pas.

    Ainsi, quand, à l’entrée du temple, il est question de rencontrer la divinité, la rêveuse dans ses idées conscientes n’a aucun contact avec le pilier gauche, avec le domaine de l’inconscient, qui n’est pas conforme à l’ordre conscient : tout ce qui concerne le corps, l’instinct, l’irrationnel, et en particulier les réactions autonomes, les ressentis, les émotions, voilà le négatif, le mal qu’elle nie, parce que c’est plus confortable.

    Qui ose regarder le problème du mal, qui est tellement inconfortable ? C’est bien plus facile de le nier.

    Mais le rêve, lui, va aborder cette question, sans détours. Il va montrer à la rêveuse ce qui se passe dans l’image divine en elle, quand elle affirme que Dieu n’est qu’amour. Alors lui apparaît le dieu, qui n’est pas seulement une idée, mais qui a pris forme de chair dans le corps humain, dans le Christ .

    Voyons donc ce que devient le Christ, la représentation de la divinité incarnée:

     

    Un chariot est passé tout près de moi et a frotté le pilier.

    Alors, dans le chariot, le Christ, qui était lié, a tourné la tête et m’a souri.

    Qui est le Christ ?

    C’est un homme qui toute sa vie a agi en suivant sa voix intérieure et non les règles de la morale extérieure.

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    Il s’est ainsi opposé constamment à l’ordre conscient régnant.

    Il a soigné les malades le jour du sabbat où il était interdit de faire quoi que ce soit ; il a pris auprès de lui la prostituée Marie Madeleine, il a chassé brutalement les marchands du temple. Malgré la désapprobation et la fureur des prêtres, dignes ancêtres des talibans, il a sauvé une femme adultère en train d’être lapidée ; et j’en passe.

     

    Le Christ a consacré sa vie à expliquer comment aimer véritablement : il a fait ce qui était jugé mal pour amener un changement et permettre un bien. En faisant scandale, il a osé dénoncer les lois malsaines, affronter la colère de ceux qui en transmettent la mémoire depuis des siècles. C’est pour cela qu’il a été crucifié. Mais sa parole créatrice a changé le monde.

     

    Revenons à notre rêveuse. Qu’est donc devenu en elle le Christ, cette image-force du divin dans l’homme, qui s’est opposé à la loi et à la mentalité extérieures ?

     

    Il a été ligoté.

    Michèle, ne considérant que le point de vue des idéaux extérieurs, paralyse le Christ en elle, elle bloque toute inspiration par sa voix intérieure, tout mouvement instinctif et irrationnel jugé négatif.

     

    Quand il passe à côté d’elle dans son pilier, il la voit, il tourne la tête vers elle et lui sourit.

    Quelle marque de tendresse, d’amour ! Même entravé, l’homme- dieu lui montre qu’il la reconnaît, qu’il l’aime.

     

    Il n’avait plus de dents, et ses lèvres étaient blessées, rougies de sang.

    Que s’est-il passé ? On a torturé le Christ, on lui a « cassé la gueule » au sens propre.

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    Il n’a plus de dents

    Une amputation irrémédiable a eu lieu. La représentation de la divinité, qui détermine en finale tous les choix de vie, a été disloquée à un tel point qu’elle est devenue inefficace. Sans dents, on ne peut plus ni juger, ni trancher, ni décider. Sans dents, impossible d’être incisif ou mordant, impossible de se défendre. Impossible aussi de mâcher, de trier, d’analyser, de réfléchir, de critiquer, de rejeter ce qui est inacceptable. (4)

     

    Les lèvres sont blessées, rougies de sang.

    On a cogné sur la bouche du Christ, on a blessé ses lèvres pour l’empêcher de parler. L’image est très claire. Le rêve montre que la façon dont Michèle se représente le Christ - dieu d’amour n’est pas l’image originelle. Cette image a été défigurée. Le vrai message du Christ a été trahi.

    Ce rêve est reçu par une rêveuse en particulier. Mais elle n’est pas la seule à notre époque.

    Je vous ai raconté sur mon blog le rêve d’une fillette devant une situation similaire : le Christ lui apparaît, estropié. On lui a flanqué dans une jambe des coups de pieds qui l’ont rendu invalide. (5)

    Je vous ai rapporté également l’an dernier un rêve où le Christ était présenté sous la forme d’un bodhisattva. On lui avait pissé dessus. (6)

     

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    On, on, on, mais qui est ce « on » ?

    Il s’agit de tous les doctrinaires, à commencer par St Paul, qui ont élaboré la tradition et les dogmes et prétendent avoir transmis le message du Christ. Mais au contraire, comme le montre le rêve, ils l’ont trahi.

    A la suite de Jung, l’analyste américain John A. Sanford, prêtre de l’église épiscopale a poursuivi une étude approfondie du sujet dans son livre « Evil the shadow side of reality ». Il démontre cette trahison et les preuves ne manquent pas dans la Bible. (7)

    Selon mon expérience, les rêves, comme celui-ci, mettent cette trahison en évidence.

    Le résultat en est un effondrement du dieu dans l’âme, interdit d’exercer sa force. Interdit, avec cette conception occidentale, de suivre ses réactions instinctives, sa sexualité et sa colère par exemple, qui pourtant rendent plus fort et plus résolu. Il s’ensuit aussi un effondrement de l’individu qui devient incapable de réagir sainement devant une situation intolérable.

    Le dieu de l’Ancien Testament ne s’appelait-il pas le Dieu de Colère, ou encore le Dieu des Armées ?

    Tous les auteurs bibliques parlent de la colère redoutable du Seigneur.

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    On peut lire ainsi, entre de très nombreux exemples :

    « Il est puissant en pardon, mais il répand sa colère. » (8)

    Voici l’exclamation de Jonas :

    « Ah ! Éternel,…je savais que tu es un dieu compatissant et miséricordieux, lent à la colère et riche en bonté, et qui te repens du mal. » (9)

    Voilà bien une parole qui prouve que Dieu, même lent à la colère, peut la manifester et faire le mal, puisqu’il s’en repent. Le Christ ne s’est-il jamais mis en colère contre les pharisiens ?

    Mais qui connaît la Bible, dont la lecture complète fut interdite en 1229 par l’Eglise jusqu’en 1965 ?(10)

     

    Sa tunique rouge couvrait ses pieds

    La tunique rouge était un des vêtements que le Christ portait le Vendredi Saint.

     

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    Il la déposa devant sa croix avant son supplice. (11) Le rêve présente donc le Christ le jour de sa mort, qui a amené sa résurrection, trois jours plus tard à Pâques.

    Sa tunique rouge couvrait ses pieds liés par un long serpent noir

    Le serpent

    Quelle surprise ! Le Christ et le serpent apparaissent ensemble.

    Pourtant, le serpent dans la tradition chrétienne n’est-il est le symbole par excellence du mal, l’auteur de tous les maux, qui conduit à désobéir aux lois ?

    D’où vient le serpent ? Quelle est donc l’origine du mal ?

    La Bible, au livre de la Genèse l’explique très clairement :

     « Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que l’Eternel Dieu avait faits. » (12)

    Comment la tradition dite chrétienne peut-elle ignorer le mythe de la Bible ? N’est-ce pas Dieu lui-même qui créa le serpent ? C’est dit ici en toutes lettres.

    Si, comme le prétend la tradition, le serpent est le mal, alors le mal a été crée et voulu par Dieu au sein de sa création.

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    Regardons maintenant ce que montre le rêve

    Le serpent noir pleurait et léchait les pieds du Christ.

    Qui fait preuve de véritable compassion ? Qui souffre et pleure devant le Christ anéanti ? Qui cherche à soulager sa souffrance ? Est-ce la rêveuse dans son Amour Universel ?

    Non. C’est le serpent.

     

    Quel est le sens de cette image douloureuse, étrange, impressionnante, et paradoxale ?

    Le mal et le Christ sont liés, et le serpent aime le Christ.

     

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    Le rêve l’indique expressément, ce qui impose la déduction logique suivante : dans l’inconscient, l’image du dieu incarné comporte les contraires, elle est une union d’opposés.

    Mais chez la rêveuse, cette coexistence des contraires dans la divinité est niée, si bien que la puissance du dieu dans sa vie ne peut pas s’exprimer dans la totalité de sa puissance.

    Comme l’écrit Jung dans son livre «  Essais sur la symbolique de l’esprit », 

    « On s’indigne bien sûr à la pensée que le mal et le malheur font partie intégrante de Dieu, et on s’imagine que Dieu ne peut vouloir une chose pareille. On devrait pourtant se garder de la tentation consistant à restreindre la toute puissance de Dieu en se fondant uniquement sur l’idée qu’en ont les hommes. » (13)

     

    Hélas, c’est pourtant bien à cette tentation que succombe notre rêveuse, comme bon nombre de nos contemporains avec leur idée d’Amour Universel, Cosmique, Inconditionnel, toutes ces « tartes à la crème » du New Age qui, sous l’influence du bouddhisme, viennent encore en rajouter une couche à la doctrine de la privatio boni.

     

    Le rêve poursuit sa démonstration avec une image effrayante. Il montre le résultat de ces conceptions délétères, qui excluent le mal de l’image divine :

    Il y avait des œufs verts sur le plancher du chariot. Le Christ pondait ces œufs… sous sa tunique.

    Le Christ n’est plus un humain. Il est devenu un hybride monstrueux : un homme qui n’a pas de tripes, pas de « couilles » ! A la place il a un utérus d’oiseau qui pond des œufs, c’est un être aérien, femelle, qui pond des idées.

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    Si Dieu n’est que bien, amour et bonté féminine, la puissance divine masculine agressive du mal est castrée et inefficace. L’incarnation est ratée.

    Ainsi cette conception que le mal n’existe pas en Dieu retire toute puissance virile d’affirmation dans le monde ; elle ne conduit à aucune créativité concrète sur la terre, mais seulement à des idées, nées d’une hybridation totalement monstrueuse.

     

    Je suis sortie du pilier. J’ai avalé des œufs.

    Michèle, sans réfléchir, gobe tout rond les élucubrations spirituelles insanes, qui proviennent de la façon dont on a trafiqué l’image du Christ, l’image du divin dans l’homme.

     

    On reste atterré après la lecture de ce rêve.

     

    Conclusion :

    Alors, dire que le mal n’existe pas en Dieu ? Pour le rêve ce n’est pas le cas. La présence du serpent lié au Christ relie ce rêve au mythe fondateur biblique de la faute, qui est un mythe thérapeutique.

    Ce rêve dénonce la doctrine qui se prétend chrétienne sur l’opposition absolue entre le bien et le mal. 

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    Des siècles de théologie désincarnée ont provoqué la névrotique et dangereuse dissociation du conscient et de l’inconscient, dont souffre notre société, dissociation que le bouddhisme vient encore aggraver.

    Seule la conciliation des opposés peut exercer un effet thérapeutique. La croix du Christ en est le symbole le plus éloquent, le plus éminent.

    Mais on ne le sait plus. C’est alors le rêve qui, sans craindre la colère des utopistes, offre à l’humain, la nuit, simplement, une initiation qui l’invite à faire dans sa vie l’expérience de la totalité, guidé en cela par ses rêves et non pas par des systèmes intellectuels arbitraires.

    Voilà ce que le rêve cherche à faire comprendre à notre rêveuse, pour la guérir de ses illusions pathogènes d’un amour universel qui exclut le mal.

     

    A l’approche du vendredi saint, jour où le Christ fut crucifié, j’ai voulu vous présenter ce rêve, dont le scénario se déroule ce jour là, pour vous donner le point de vue de l’inconscient. Le rêve dénonce avec violence la façon dont le Christ est ligoté, torturé, défiguré, cassé, mutilé, étripé, castré : cela signifie que la relation personnelle avec la représentation chrétienne originelle de la divinité a perdu toute sa force et son sens.

    On ne comprend plus rien du message chrétien authentique, qui n’a pas été respecté.

    C’est bien aussi ce qui continue de se produire de nos jours et qui nous éclate au visage partout dans l’actualité. Comme il y a 2000 ans, le Christ dans l’âme, la puissance divine, incarnée dans la chair de l’humain, est la risée de ceux qui ne comprennent pas.

    En voici une preuve avec cette image qui vient  d’être mise sur Twitter.

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    L’image est horriblement grinçante au premier degré.

    Mais au deuxième degré, elle pourrait bien représenter la façon dont nos contemporains, comme notre rêveuse, se représentent le divin en eux. Le divin n’est plus qu’une idée, mais une idée fausse et monstrueuse. Ils ignorent que le corps est le temple de Dieu, et que « Dieu ne se prouve pas, mais s’éprouve », dans le corps, dans la chair.

    Ainsi, chez plusieurs, un certain christianisme déjà falsifié avec la "privatio boni", et maintenant affublé de bouddhisme, devient impuissant, incapable de se défendre et d’assumer un conflit, sous prétexte d’amour inconditionnel.

    Jung a bien prévenu de se garder de cette tentation. En effet, selon la loi de l’alternance des contraires, cette utopie d’amour ne peut qu’entraîner son contraire, le déferlement du mal et la haine. Un extrême bascule dans l’autre. Ne le voyez-vous pas ?

    Le message de ce rêve peut paraître invraisemblable et révoltant. Ce n’est quand même pas moi qui enroule le serpent aux pieds du Christ martyrisé.

    Ce rêve s’inscrit dans la lignée des rêves alchimiques qui traitent du problème du bien et du mal. Vous comprenez maintenant pourquoi les alchimistes cachaient ce qu’ils savaient. Ils risquaient leur vie à le révéler. Vous comprenez maintenant aussi pourquoi l’Eglise a condamné les rêves et se refuse toujours à les reconnaître : il peut arriver que leur enseignement vienne contredire le sien.

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    Bibliographie

    (1) Psychologie et Alchimie, C G Jung, p. 45, éditions Buchet Chastel, 1970

     

    (2) Rêves à vivre, ch. 14 et 15, éditions de Mortagne

     

    (3) Racine, XVIIème siècle, Athalie, Acte 1, scène 1)

     

    (4) voir par exemple mon étude sur les dents sur mon blog :

    http://christiane-riedel.blogspirit.com/archive/2007/04/03/interpretation-du-reve-de-manonbonjour-manon.html

     

    (5) Le Christ blessé : mon blog, au 7 mars 2010.

    http://christiane-riedel.blogspirit.com/archive/2010/03/index.html

     

    (6) Piss Christ ou le Bodhisattva couvert de pisse:

    http://christiane-riedel.blogspirit.com/archive/2011/10/index.html

     

    (7) Evil, the shadow side of reality, par John A. Sanford, éd. Crossroad New York, p. 66-83.

     

    8) Le Siracide, ch.16, v. 11 ; Traduction œcuménique de la Bible, Alliance Biblique Universelle, 1979, p.1294

     

    (9) La Bible, Jonas, ch4, v. 12

     

    (10) http://christiane-riedel.blogspirit.com/archive/2012/04/19/une-question-et-un-peu-d-histoire2.html

     

    (11) La bible, Evangile de St Jean, ch.19, v.23

     

    (12) La Bible, livre de la Genèse, ch.3, v. 1

     

    (13) Essais sur la symbolique de l’esprit, C G Jung, p 238, éditions Buchet Chastel, 1991

     

    Illustrations

    Les deux colonnes du temple :

    http://dailynuts-news.over-blog.com/article-franc-maconnerie-signification-esoterique-des-deux-colonnes-jakin-et-boaz-92458333.html

    Le Christ : Jim Caviezel dans le film de Mel Gibson « La passion du Christ »

    La femme adultère : arts-et-culture.fr

    Piss Christ : lavie.fr ; photographie « Piss Christ » de l’américain Serrano, exposée comme œuvre d’art l’an dernier à Avignon. Serrano a pris une statuette du Christ en plastique, l’a mise dans un flacon, a pissé dessus, y a mis une goutte de son sang et a photographié le tout.

    La tunique rouge portée par le Christ devant Pilate, forum.doctissimo.fr

    Uterus de poule : www.annoncesetanimaux.com

    Christ à droite et Lucifer à gauche : hubpages.com

    Scandale alimentaire : tweet déposé sur twitter par Nicolas Bays, député socialiste du Pas de Calais

    Le Christ de St Jean de la Croix, de l’artiste espagnol Salvator Dali, tableau inspiré par une vision du saint à qui le Christ apparut sur la croix, vu d’en haut.