Dans les études précédentes, j’ai évoqué les rêves des chefs militaires Gédéon et Alexandre le Grand. Ces rêves les engagent à se lancer dans les bataille et les conquêtes expansionnistes, leur indiquent les stratégies et leur garantissent la victoire.
Je vous rappelle :
« Un jour, raconte Alexandre, à Dion en Macédoine, j’ai vu en songe cet homme, - Jaddus, le grand prêtre des Juifs - dans le costume qu’il porte à présent, et comme je réfléchissais comment je m’emparerais de l’Asie, il me conseilla de ne pas tarder et de me mettre en marche avec confiance : lui-même conduirait mon armée et me livrerait l’empire des Perses. Aussi, n’ayant jamais vu personne dans un semblable costume, aujourd’hui que je vois cet homme et que je me rappelle l’apparition et le conseil que j’ai reçu en rêve, je pense que c’est une inspiration divine qui a décidé mon expédition, que je vaincrai donc Darius, briserai la puissance des Perses et mènerai à bien tous les projets que j’ai dans l’esprit. »
Ce rêve que le grand Alexandre raconte à son général est particulièrement intéressant, car ce rêve le conduit d’une part à la conquête du royaume perse et d’autre part à épargner la ville de Jérusalem.
Soulignons que cette entente aura pour conséquence l’installation d’une importante colonie juive dans la ville qu’il a fondée en Egypte, Alexandrie.
Avec le récit de son rêve, le jeune roi macédonien de 24 ans, montre clairement comment le rêve, longtemps à l’avance, l’a préparé à son destin de conquérant.
Ce cas n’est pas unique et je vous raconterai aujourd’hui un rêve que j’ai déjà exposé le 16 février 2008 sous un angle différent. Il s’agit d’un rêve très célèbre, c’est un rêve de Jules César.
Ce rêve a été raconté par l’historien romain Suétone ( 69 à 125 après J.-C.), qui écrivit la biographie de Jules César, qui naquit 100 av J.-C., et mourut le 15 mars 44 av J.C.)
Avant de regarder ce rêve, il convient d’abord de se demander qui était cet homme qui reçut un rêve pareil ?
Je vous présenterai donc aujourd’hui quelques uns de ses faits, qu'on n'évoque jamais à l'école.
Julius César est d’une famille patricienne modeste. C’est un jeune homme séduisant, brillant et très cultivé, il est aimable et bien élevé, il a toujours une excellente tenue, on ne le verra jamais ivre ; on le remarque aussi pour sa très grande générosité.
A 16 ans, en – 84, il épouse Cornélia Cinna.
Cornélia est la fille de Cinna, le consul partisan du peuple, adversaire de Sylla, qui est lui partisan de l’aristocratie conservatrice qui compose le Sénat.
A 16 ans également, César est choisi pour remplir le sacerdoce de premier prêtre de Jupiter.
Cette fonction officielle unique, crée 700 ans plus tôt à la fondation de Rome, fait de lui un haut magistrat, le souverain pontife, responsable du culte romain rendu au dieu des dieux et à diverses divinités.
Il célèbre les sacrifices, il prend soin de tout le culte, surveille et contrôle « tout objet, tout être consacré aux dieux, tout acte qui s'adresse à eux, tout phénomène considéré comme un signe particulier de leur volonté ».
César est choisi malgré son jeune âge, alors que des hommes beaucoup âgés prétendent comme lui à devenir le grand prêtre de Jupiter.
Cette fonction est difficile et comporte de très nombreux interdits, impose de très multiples contraintes.
Peut-on affirmer que ce jeune homme ne prenne cette charge que pour la distinction honorifique ? Peut-on le penser dénué de tout enthousiasme, de toute réflexion spirituelle sur le rapport entre l’homme et le dieu ?
S’il accepte pour fonction, entre autres, de contrôler tout phénomène considéré comme un signe particulier de la volonté des dieux, c’est qu’il a conscience de la valeur de ces signes donnés par les dieux, et en particulier les rêves.
L’importance accordée aux rêves était générale dans l’Antiquité et, l'on disait alors :
« Rien ne peut être considéré aussi certain et digne de confiance qu’un ordre donné par les rêves. »
Cette parole a été prononcée par le célèbre Sylla, qui était alors consul, général et dictateur de Rome.
Telle était dans toute l’Antiquité la conception régnante, que Jules César partageait aussi .
Un an plus tard, en – 83, Sylla, maître à Rome, veut obliger César à rompre avec son beau père Cinna et lui demande en signe de ralliement de répudier Cornélia, la fille de Cinna. César refuse. Sylla rétorque en faisant bloquer sa nomination au sacerdoce de grand prêtre de Jupiter. César doit se cacher et s’exile en Asie, où il s’engage dans l’armée.
Là, il affronte et surmonte un destin d’une façon qui peut surprendre.
Lors d’un trajet en mer Egée, il est enlevé par des pirates qui le font prisonnier sur la petite île de Farmakonisi. ( en haut à gauche de la carte).
Ils lui réclament une rançon de vingt talents d'or. César juge que ce montant est insuffisant et déshonorant par rapport à son rang, il exige que les pirates montent sa rançon à cinquante talents, et leur promet qu'une fois libéré, il les exécutera.
Durant 38 jours de captivité, il joue avec eux aux dés et en profite pour noter leurs visages.
Il fait réunir le montant de la rançon, est libéré, rassemble des hommes et repart en bateau retrouver les pirates. Arrivé sur l’île, il exécute sa promesse et les fait crucifier.
Voilà donc un tout jeune homme qui a une trempe terrible : d’un côté passionné, amoureux et fidèle, courageux et responsable, il donne la priorité à son amour, il préfère sa femme à ses intérêts politiques et en assume les difficultés ; de l’autre, il se montre fier, obstiné, impitoyable, et fait preuve d’une haine féroce et implacable contre ses ennemis.
On voit là un homme étonnant et puissant, qui à, à peine 20 ans, sait déjà faire ses choix cruciaux et maîtrise les ambivalences de la vie.
C’est à cet homme que le rêve va bientôt s’adresser.