Nous avons vu la dernière fois (08 août 2011) comment Alexandre le Grand, grâce au jeu de mots de son rêve, s’est senti encouragé à poursuivre le siège de la ville de Tyr qu’il essayait vainement de soumettre depuis plusieurs mois.
Ce jeu de mot est resté en exemple célèbre dans les Annales des rêves. Le jeune roi dans son rêve avait vu un satyre, en grec « satyros ». Son interprète de rêve, qui restait à ses côtés dans ses conquêtes militaires, lui avait expliqué que « satyros » pouvait s’entendre en fait « Tyr est à toi ». Alexandre avait donc déduit que son rêve lui promettait la victoire. En effet il se rendit maître de Tyr peu après.
Ce n’était pas la première fois qu’Alexandre écoutait ses rêves. Nous allons voir aujourd’hui ce qu’il en dit lui-même, dans le récit qui va suivre.
Tyr conquise, Alexandre s’avance vers Gaza, dont il s’empare au bout de deux mois.
Puis il se hâte de monter vers Jérusalem.
A cette nouvelle Jaddus, le grand-prêtre des Juifs, est rempli d’angoisse.
Avec le peuple il prie et demande à Dieu d’écarter les dangers qui menacent, et il offre un sacrifice.
Pendant qu’il se repose après le sacrifice, voilà qu’il rêve :
Dieu lui apparaît, lui recommande d’avoir confiance, et lui indique toute une mise en scène pour accueillir le conquérant.
Les portes doivent être ouvertes, la ville doit être ornée de fleurs, le peuple et les prêtres doivent s’habiller de blanc ; les prêtres avec Jaddus doivent également revêtir leurs ornements sacerdotaux. Dans ce grand apparat ils iront à la rencontre d’Alexandre sans redouter aucun mal, Dieu les protégera.
Jaddus à son réveil se réjouit vivement et rapporte à tous la vision qu’il vient d’avoir. Tout Jérusalem se prépare alors, comme indiqué, à l’arrivée du roi.
Jaddus sort alors en un cortège spectaculaire, digne de ses fonctions sacrées.Entouré des prêtres et de la foule, il s’avance à la rencontre d’Alexandre.
Les Phéniciens et les Chaldéens, ennemis des Juifs, accompagnent le grand guerrier ; ils espèrent bien qu’Alexandre va ordonner de piller la ville et de faire périr le grand-prêtre d’une mort cruelle.
Mais voilà que les choses se passent autrement :
Le conquérant s’approche de la ville et découvre un spectacle inouï :
Il voit de loin cette foule en vêtements blancs, les prêtres en tête, dans leurs robes de lin blanc, il distingue le grand-prêtre dans son costume couleur d’hyacinthe, tissé d’or. Il voit briller au soleil sa tiare, surmontée de la lame d’or sur laquelle est inscrit le nom de Dieu.
Alors, Alexandre le Grand s’avance, seul, se prosterne et, le premier, salue le grand-prêtre.
Tous les Juifs, d’une seule voix, saluent Alexandre et l’entourent.
Les rois de Syrie et les autres sont frappés de stupeur. Ils se disent que le roi a perdu l’esprit.
Le grand général Parménion, s’approche seul d’Alexandre et lui demande pourquoi, alors que tous les autres s’inclinent devant lui, lui-même s’incline devant le grand-prêtre des Juifs.
«- Je ne me suis pas prosterné devant lui répond Alexandre, je me suis prosterné devant le Dieu, dont il a l’honneur d’être le grand-prêtre. »
Et Alexandre raconte :
« Un jour, à Dion en Macédoine, je réfléchissais comment je pourrais m’emparer de l’Asie. J’ai vu alors en rêve cet homme, dans le costume qu’il porte à présent.
Dans mon rêve, il me conseilla de ne pas tarder et de me mettre en marche avec confiance : lui-même conduirait mon armée et me livrerait l’empire des Perses.
Maintenant que je vois cet homme aujourd’hui, habillé comme je n’ai jamais vu personne, je me rappelle son apparition dans mon rêve et le conseil qu’il m’a donné. Je pense que c’est une inspiration divine qui a décidé mon expédition.
Je vaincrai donc Darius, briserai la puissance des Perses et mènerai à bien tous les projets que j’ai dans l’esprit. »
Alexandre se tourne alors vers Jaddus, lui serre la main, et, entouré de la foule et des prêtres se dirige vers la ville.
Là, montant au Temple, il offre un sacrifice à Dieu en suivant les instructions du grand prêtre et lui donne de grandes marques d’honneur.
Puis Alexandre poursuit ses conquêtes jusqu’en Inde. En revenant, il meurt à Babylone à 33 ans, emporté par une fièvre foudroyante.
Son corps repose dans son sarcophage à Istanbul.
Commentaire
Ce récit présente une expérience surprenante : deux personnes qui ne se connaissent pas, Alexandre et Jaddus, reçoivent chacun de leur côté un rêve qui les prépare à se rencontrer pour réaliser les actions prévues par le rêve.
Il faut bien souligner que cette expérience n’est ni inventée ni unique.
Les Anciens étaient fort vigilants et plusieurs témoignages rapportent les mêmes faits.
- Dans la Bible nous avons vu comment le rêve, la même nuit, apparaît à deux personnes différentes et prépare la bataille qui va avoir lieu le lendemain : à Gédéon le rêve assure la victoire, il annonce la défaite au soldat madianite.
- Dans le Nouveau Testament, dans les Actes des Apôtres, les premiers chrétiens, racontent comment ils ont reçu chacun de leur côté un rêve qui les guide les uns vers les autres, comme l’apôtre Pierre et le centurion Cornelius.