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QUAND LE RÊVE DEVIENT RÉALITÉ

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La dernière fois nous avons vu Renart rôder autour du poulailler affolé. Seul Chantecler le coq, qui ne l'a pas vu, est convaincu que le danger n'existe pas. D'ailleurs n'est-il pas le puissant protecteur de cette sotte volatile ? Il s'endort donc tranquille mais reçoit un rêve qui l'alerte fort. Il en demande l'interprétation à Pinte, la meilleure tête de la troupe. Selon notre finaude, le rêve vient prévenir le coq qu'il va se retrouver dans la gueule de Renart. Alerte donc ! Mais Chantecler, rempli de confiance en lui, déclare bien fou celui qui s'épouvante d'un rêve, il prie donc Pinte de se taire et se rendort.

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Or Renart n’avait rien perdu de l’entretien de Chantecler et de Pinte. Il avait vu avec satisfaction la confiance du coq, et quand il le crut bien rendormi, il fit un mouvement, mit doucement un pas devant l’autre, puis s’élança pour le happer d’un seul bond. Mais si doucement ne put-il avancer que Chantecler ne le devinât, et n’eût le temps de faire un saut et d’éviter l’atteinte, en volant de l’autre côté du fumier.

Renart voit avec dépit qu’il a manqué son coup ; et maintenant, le moyen de retenir la proie qui lui échappe ?

Ah ! mon Dieu, Chantecler, dit-il de sa voix la plus douce, vous vous éloignez comme si vous aviez peur de votre meilleur ami. De grâce, laissez-moi vous dire combien je suis heureux de vous voir si dispos et si agile. Nous sommes cousins germains, vous savez. »

Chantecler ne répondit pas, soit qu’il restât défiant, soit que le plaisir de s’entendre louer par un parent qu’il avait méconnu lui ôtât la parole. Mais pour montrer qu’il n’avait pas peur, il entonna un brillant sonnet.

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« Oui, c’est assez bien chanté, dit Renart, mais vous souvient-il du bon Chanteclin qui vous mit au monde ? Ah ! c’est lui qu’il fallait entendre. Jamais personne de sa race n’en approchera. Il avait, je m’en souviens, la voix si haute, si claire, qu’on l’écoutait une lieue à la ronde, et pour prolonger les sons tout d’une haleine, il lui suffisait d’ouvrir la bouche et de fermer les yeux.

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Cousin, fait alors Chantecler, vous voulez apparemment railler.

Moi railler un ami, un parent aussi proche ? Ah ! Chantecler, vous ne le pensez pas. La vérité c’est que je n’aime rien tant que la bonne musique, et je m’y connais. Vous chanteriez bien si vous vouliez ; clignez seulement un peu de l’œil, et commencez un de vos meilleurs airs.

Mais d’abord, dit Chantecler, puis-je me fier à vos paroles ? Éloignez-vous un peu, si vous voulez que je chante : vous jugerez mieux, à distance, de l’étendue de mon fausset.

Soit, dit Renart, en reculant à peine, voyons donc cousin, si vous êtes réellement fils de mon bon oncle Chanteclin. »

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Le coq, un œil ouvert l’autre fermé, et toujours un peu sur ses gardes, commence alors un grand air.

« Franchement, dit Renart, cela n’a rien de vraiment remarquable ; mais Chanteclin, ah ! c’était lui : quelle différence ! Dès qu’il avait fermé les yeux, il prolongeait les traits au point qu’on l’entendait bien au-delà de l'enclôt. Franchement, mon pauvre ami, vous n’en approchez pas. »

Ces mots piquèrent assez Chantecler pour lui faire oublier tout, afin de se relever dans l’estime de son cousin : il cligna des yeux, il lança une note qu’il prolongeait à perte d’haleine,

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quand l’autre croyant le bon moment venu, s’élance comme une flèche, le saisit au col, et se met à la fuite avec sa proie. Pinte qui le suivait des yeux, pousse alors un cri des plus aigus.

« Ah ! Chantecler, je vous l’avais bien dit ; pourquoi ne m’avoir pas crue ! Voilà Renart qui vous emporte. Ah ! pauvre dolente ! Que vais-je devenir, privée de mon époux, de mon seigneur, de tout ce que j’aimais au monde ! »

 

Cependant au moment où Renart saisissait le pauvre coq, le jour tombait et la vieille femme, gardienne de l’enclos, ouvrait la porte du poulailler. Elle appelle Pinte, Bise, Roussette ; personne ne répond ; elle lève les yeux, elle voit Renart emportant Chantecler à toutes jambes.

« Haro Haro ! s’écria-telle, au Renart, au voleur ! » et les paysans d’accourir de tous côtés.

« Qu’y a-t-il ? Pourquoi cette clameur ?

Haro, crie de nouveau la vieille, le goupil emporte mon coq.

Eh ! pourquoi, méchante vieille, dit Constant Desnois, l’avez-vous laissé faire ?

Parce qu’il n’a pas voulu m’attendre.

Il fallait le frapper.

Avec quoi ?

De votre quenouille.

Il courait trop fort : vos chiens bretons ne l’auraient pas rejoint.

Par où va-t il ?

De ce côté ; tenez, le voyez-vous là-bas ? »

Renart franchissait alors les haies ; mais les vilains l’entendirent tomber de l’autre côté et tout le monde se mit à sa poursuite. Constant Desnois lâche Mauvoisin, son gros dogue.

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On retrouve la piste, on l’approche, on va l’atteindre. Le goupil ! le goupil ! Renart n’en courait que plus vite.

« Sire Renart, dit alors le pauvre Chantecler d’une voix entrecoupée, laisserez-vous ainsi maugréer ces vilains ? À votre place je m’en vengerais, et je les gaberais à mon tour. Quand Constant Desnois dira à ses valets : Renart l’emporte, répondez : Oui, à votre nez, et malgré vous. Cela seul les fera taire. »

On l’a dit bien souvent ; il n’est sage qui parfois ne folie. Renart, le trompeur universel, fut ici trompé lui-même, et quand il entendit la voix de Constant Desnois, il prit plaisir à lui répondre :

- Oui, manant, je prends votre coq, et malgré vous.

Mais Chantecler, dès qu’il ne sent plus l’étreinte des dents, fait un effort, échappe, bat des ailes, et le voilà sur les hautes branches d’un pommier voisin,

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tandis que, dépité et surpris, Renart revient sur ses pas et comprend la sottise irréparable qu’il a faite.

« Ah ! mon beau cousin, lui dit le coq, voilà le moment de réfléchir sur les changements de fortune.

Maudit soit, dit Renart, la bouche qui s’avise de parler quand elle doit se taire !

Oui, reprend Chantecler, et la malegoute crève l’œil qui va se fermer quand il devait s’ouvrir plus grand que jamais. Voyez-vous, Renart, fol toujours sera qui de rien vous croira : au diable votre beau cousinage ! J’ai vu le moment où j’allais le payer bien cher ; mais pour vous, je vous engage à jouer des jambes, si pourtant vous tenez à votre pelisse. »

Renart ne s’amusa pas à répondre. Une fourrée le mit à l’abri des chasseurs. Il s’éloigna l’âme triste et la panse vide, tandis que le coq, longtemps avant le retour des paysans, regagnait joyeusement l’enclos, et rendait par sa présence le calme à tant d’amies que son malheur avait douloureusement affectées.

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Illustrations

Je remercie les photographes dont les illustrations m'ont permis d'illustrer mon blog.

Renard : poulesetcie.com

Chantecler chante 1 : thetimesss.co.uk

Chanteclin, le coq qui chante 2 : pinterest.com

Renard : contrepoints.org

Chantecler chante 3 : chickenbreedslist.com

Le dogue : forum.chien.com

Chantecler sur la branche : www.lexpress.fr

Chantecler et ses poules : consoglobe.com

Chantecler et Pinte : upc.online.org

Commentaires

  • Encore une fois vous avez pris beaucoup de soins pour soigner l'illustration de votre conte.thierry

  • Oh ! Merci Ariaga de souligner la valeur symbolique de ce récit. C'est bien pour cela que je l'ai choisi en souriant.
    Quel bonheur en effet de constater que dans toutes ses péripéties et ses mésaventures, notre pauvre et cher coq arrive quand même à s'en tirer. S'il n'a pas de dents, il n'en a pas moins un certain esprit... qui le sauve.
    Alors, quelle conclusion tirer de sa ruse ?
    Et quelle est la motivation qui fait perdre Renart ?
    Pourrions-nous en apprendre un quelconque discernement, une quelconque sagesse qui secourt notre coq de nos jours ?

    On peut se poser ces questions avec un amusement sérieux.
    A bientôt avec amitié

    Christiane

  • Bonjour Thierry,

    merci de votre appréciation.
    En effet, les photos des renards m'ont fascinée : ces yeux perçants, qui observent et scrutent avec une concentration intense, m'ont stupéfaite et terrifiée. Le rêve a raison, Pinte a raison, le renard est un ennemi redoutable, dangereux, mortel.
    Quant au coq, bonasse, benêt, vaniteux, sa parure rouge sur sa tête lui fait croire qu'il est plus intelligent que les autres.
    Pas assez hélas pour se protéger des dangers qu'annonce le rêve...eh... quoique...il s'en tire quand même.
    Notre beau coq mérite donc toute l'amitié de "ses amies que son malheur avait douloureusement affectées".
    Cocorico !

    Amicalement
    Christiane

  • depuis toute petite, lorsque je rêve d'un proche, ou des rêves indiquant la mort, dans la semaine qui suit la ou une personne est soit hôspitalisée soit vient à mourir, ca me fait peur car je ne vois pas toujours la personne à qui cela va arriver, mort, accident, hospitalisation, catastrophe genre incendie. je n'ose plus dormir de peur de rêver.

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