Je commencerai mon propos par cette citation de Jung :
« Les rêves peuvent quelquefois annoncer certaines situations bien avant qu’elles ne se produisent. Ce n’est pas nécessairement un miracle ou une prophétie. Beaucoup de crises dans notre vie ont une longue histoire inconsciente. Nous nous acheminons vers elle pas à pas, sans nous rendre compte du danger qui s’accumule. Mais ce qui échappe à notre conscience est souvent perçu par l’inconscient qui peut nous transmettre l’information au moyen du rêve. »
Contrairement à mes habitudes, je viendrai aujourd’hui traiter d’un sujet d’actualité brûlante. Je l’aborderai à cause d’un rêve qui a été reçu il y a vingt ans, préfigurant l’actualité. C’est le rêve de Catherine. Le voici :
Rêve
Je descends vers une grotte. Je m’approche de l’entrée et vois un buste sur une table. C’est le buste du Bodhisattva, c’est le buste du Christ.
Je regarde ce buste et m’aperçois qu’on lui a pissé dessus.
Surprise :
Que veut dire ce rêve ?
Catherine descend vers une grotte.
Descendre
Voilà un des verbes les plus employés dans les rêves. Constamment les rêves indiquent la nécessité de ne pas chercher à s’élever dans la hauteur, dans l’air et le ciel ; soit dans le domaine des pensées, pour voir les choses de haut et vouloir les maîtriser ; soit dans le domaine éthéré des principes et des idéaux de perfection, pour mener une vie qui se veut spirituelle, à la recherche d’une divinité céleste lointaine.
Non, descendre conduit vers le bas, où l’on retrouve l’humble vie de la terre, dense et grossière, qui est la réalité de notre corps et de tous ses ressentis.
La grotte, elle, a pour origine le verbe grec kruptein : cacher, couvrir, et désigne un creux caché dans la terre.
Avec les mots descendre et grotte, le rêve attire l’attention sur le corps et ce qui est caché en lui.
Là, en bas, il ne s’agit plus de considérations intellectuelles élevées, en bas surgissent tous les ressentis : sentiments, émotions, sensations, impressions et impulsions ; intuitions, inspirations, et rêves. A l’intérieur du corps se déploie la vie de l’âme, naturelle, spontanée, instinctive.
Ainsi Catherine descend vers une grotte, elle se tourne humblement vers la vie de son âme.
Puis elle s’approche de l’entrée et voit sur une table un buste.
Pourquoi le rêve choisit-il cette partie du corps ? Il aurait pu montrer un humain debout sur ses jambes, ou assis en position du lotus.
Que représente le buste ?
Le buste représente un personnage en concentré : la tête désigne sa pensée, et le cou sa parole ; les épaules indiquent la volonté d’agir et la capacité à endosser les responsabilités ; le cœur implique les sentiments, les émotions, les passions, le courage ; enfin les poumons animent la vie spirituelle dans l’inspir et l’expir.
Ainsi ce buste représente la pensée, l’âme et l’esprit, incarnés dans un corps humain particulier, ici celui d’un bodhisattva.
Un bodhisattva ? Qu’est-ce donc ?
C’est un être qui est passé par la voie empruntée par tous les Bouddhas du passé. Il s’est engagé sur cette voie alors qu’il atteignait l’état d’éveil. Renonçant à quitter le cycle des renaissances, le Bodhisattva choisit de contribuer plus que qui que ce soit au salut universel de l’humanité.
Catherine est sensible à cette image, elle s’intéresse beaucoup à la spiritualité orientale et cherche elle-même à parcourir le chemin de l’éveil selon les indications des maîtres spirituels bouddhistes.
Catherine découvre alors que ce bodhisattva est le Christ
Comment dire de façon plus explicite que le Christ est un Réalisé ?
Catherine, quand elle se recueille à l’intérieur d’elle dans la méditation, cherche à entrer en contact avec le divin ; son rêve lui en montre le chemin : il passe par le Christ.
Le Christ, c’est le dieu incarné de sa tradition occidentale. En temps que bodhisattva, il est venu pour sauver les hommes. Il a vécu dans l’amour et la compassion, il a annoncé non pas la loi implacable du karma mais la réalité du pardon, de la grâce et de la rédemption. « Là où le pêché abonde, la grâce surabonde ».
Il n’a cherché à éviter ni les émotions, ni les conflits avec l’entourage, ni les affrontements avec la loi extérieure, ni la souffrance. Il les a assumés. C’est en portant sur ses épaules les lourdeurs et les souffrances de l’humain, jusqu’au supplice sur la croix, qu’il est devenu vivant pour l’éternité.
Si notre amie aspire à la voie de la réalisation spirituelle, voilà l’exemple que son rêve lui offre de suivre. Non pas échapper à l’incarnation, mais l’assumer.
La rêveuse découvre alors qu’on a pissé sur le Christ.
Qui est ce « on », qui méprise et qui hait ?
Au niveau objectif, il s’agit de l’entourage de la rêveuse, mais d’elle même aussi, au niveau subjectif.
Voilà ce que le rêve vient lui montrer, voilà la façon dont elle traite le Christ -Bodhisattva en elle, qui est pourtant celui qui la conduirait à cette réalisation spirituelle qu’elle recherche.
Je n’ai jamais revu la rêveuse, et je n’ai jamais oublié ce rêve.
Jamais non plus je n’aurais pensé que ces images, qui sont des germes dans le monde inconscient, en viennent à se concrétiser dans le monde matériel aujourd’hui.
En effet, deux rapprochements avec l’actualité s’imposent :
- D’abord je pense à la photographie « Piss Christ » de l’américain Serrano, exposée comme œuvre d’art l’an dernier à Avignon.
Pour réaliser cette photo, l’auteur a plongé un crucifix blanc dans un liquide composé de son urine et de son sang.
- Ensuite vous avez peut être entendu parler de la pièce de théâtre actuelle « Sur le concept du visage du fils de Dieu », de l’italien Romeo Castelluci. Cette pièce est jouée en ce moment à Paris au théâtre de la ville et donne lieu à des vagues de protestations.
Dans les deux cas l’image du Christ est couverte d’excréments.
- Sur la photo, le Christ crucifié est plongé dans de l’urine.
- Dans la pièce de théâtre, des enfants saccagent le visage du Christ, peint par Antonio de Messine au XV ème siècle. Ce tableau s’appelle « Salvator mundi », « Sauveur du monde ». Les enfants jettent dessus des grenades et des excréments.
Devant ces 2 représentations du Christ, les chrétiens crient au blasphème, au sacrilège.
Et pour ceux, pour qui le fils de Dieu n’est pas un concept, mais une expérience psychique vécue, réélle, et qui, quelle que soit leur approche spirituelle, se sont trouvés dans sa présence, dans une vision ou dans un rêve, pour ceux là, en effet, il s’agit bien d’un blasphème. Et vous savez, même si cette réalité est complètement sous-estimée, c’est souvent que le Christ apparaît dans les rêves. J’en ai donné plusieurs témoignages sur ce blog.
J’apporterai de mon côté un éclairage supplémentaire.
Je considérerai aussi cet événement actuel à la lumière du rêve de Catherine :
Ce n’est pas l’attitude intérieure d’une rêveuse toute seule qui peut déterminer ainsi la réalité qui se déroule en ce moment sous nos yeux. Cette réalité est le résultat de milliers, de millions de personnes, qui, comme Catherine, à l’intérieur d’elles ont pissé sur la divinité qui anime leur âme et dont l’image apparaît dans les rêves sous la figure du Christ.
Combien sont donc tous ceux qui ont méprisé l’image de ce Christ et de ce qu’il représente dans l’âme de l’Occident ?
Je pense que ces œuvres, où l’on salit le Christ d’excréments, témoignent très clairement de la façon dont notre société contemporaine occidentale rejette le Christ intérieur, les valeurs qu’il représente, et la voie qu’il indique pour incarner le divin dans l’homme, sur le mode occidental.
Mais il faut prendre garde, Jung l’ a expressément souligné :
« Une fausse attitude à l’égard de l’inconscient n’entraîne pas seulement la maladie de l’individu, mais aussi des peuples »
Et aussi :
« Un peuple qui perd son mythe est un peuple qui meurt ».
Est-ce que, nous, les Occidentaux, dont l’inconscient est marqué, que cela nous convienne ou non, par l’archétype du Christ, nous ne serions pas en train de saccager notre vie psychique, et de vivre un effondrement spirituel, qui pourrait conduire à la disparition de nos valeurs et de notre civilisation ?
Illustrations
Je remercie les artistes et les photographes dont les œuvres m’ont permis d’illustrer mon blog.
Buste du Christ : insecula.com
La grotte des espagnols : museeciotaden.org
Bodhisattva : adaughtertouch.org
Bodhisattva : allposters.fr
Buste du Christ : flickr.com
Deux tableaux du retable d’Issenheim à Colmar, peint par l’artiste allemand Mathias Grünewald (1512-1516)
Crucifixion et résurrection
Piss Christ : lavie.fr
Visage du Christ après la représentation théâtrale : rue89.com
Manifestations de chrétiens : leplus.nouvelobs.com
Deux tableaux de l’artiste espagnol Salvator Dali :
Le Christ de St Jean de la Croix, tableau inspiré par une vision du saint ; Résurrection.
Commentaires
Bonjour et merci Christiane pour cet intéressant article.
Vous écrivez "Non pas échapper à l’incarnation, mais l’assumer."Cela est très important
« Un peuple qui perd son mythe est un peuple qui meurt ».
Est-ce que l'humanité est entrain de mourir ? Je n'ai pas la réponse car elle appartient à toute l'humanité. Il appartient à chacun de nous, en tant d'être des individus responsables de ce que nous faisons, pensons et ressentons.
Bonjour !
J'ai eu 3 rêves dans lesquels Jésus-Christ est apparu. Il rayonnait. Je recevais ses bonnes vibrations. Je ne peux l'oublier.
J'apporte aussi mon témoignage comme quoi il est indispensable que nous assumions notre incarnation. C'est essentiel si nous souhaitons nous sauver ainsi que l'humanité. Il me semble, depuis quelque temps, et surtout en ce moment, que nous sommes entrain de touner en rond, ne sachant à quel sein se vouer.. Ce qui m'amène à dire cela, ce sont les différentes catastrophes, notamment écologiques, économiques, financières que nous vivons. La violence également se propage par manque d'autorité. Et que fait-on de l'école, de nos jeunes ?
Voici une citation de C.G. Jung que je trouve percutante et d'actualité :
"Tout individu a besoin de vivre une révolution, une division intérieure, de renverser l'ordre existant, et de connaître un renouveau, sans forcer les choses sur ses voisins, sous le manteau hypocrite de l'amour du prochain ou du sens de la responsabilité sociale... La réflexion personnelle sur soi, le retour de l'individu aux fondements de la nature humaine, à son être profond dans sa destinée individuelle et sociale, voilà le moyen de lutter contre l'aveuglement qui règne à l'heure actuelle."
C.G. JUNG