LE CHRIST BLESSE
Le mois dernier, nous avons vu deux rêves qui montrent à deux rêveuses que la vie spirituelle, qu'elles prétendent mener l'une comme l'autre, les écarte en fait de leur véritable réalisation, de leur destin de femme sur la terre.
Jung en a parlé à nombreuses reprises.
Etienne Perrot a eu lui aussi à interpréter des rêves qui donnent le même conseil.
A mon tour, j'ai reçu des rêveurs et des rêveuses auxquels le rêve indiquait que la voie bouddhiste, telle qu'ils la suivaient, n'était pas celle qui leur convenait.
A mon grand plaisir, Gayle Delaney, après avoir lu « L'éléphant blanc », est venue dernièrement sur mon blog confirmer cette constatation,.
« Brava, Christiane!
Cette description du rêve et du commentaire qu'il fait sur un problème récurrent est très, très bien fait. Ca va sans dire quel plaisir ton beau français me donne en te lisant.
Et tu as bien raison qu' il est commun pour certains adeptes des disciplines spirituelles, qui visent à la perfection, de rêver qu'ils essaient d'échapper à la vie émotive, à leur péril. En 35 ans de ma carrière de travail avec les rêves, j'ai rencontré pas mal de ces rêveurs, souvent chez les personnes fort connues dans leurs disciplines spirituelles.
Merci, Christiane!
Gaëlle »
Ecrit par : Gayle (Gaëlle) Delaney | 06.02.2010
Ainsi les expériences de plusieurs interprètes de rêves, depuis maintenant un siècle, se conjuguent et attestent qu'actuellement, la voie de nos contemporains occidentaux, pour trouver le divin, n'est pas d'échapper mais au contraire d'adhérer aux contraintes de la vie terrestre, de porter la lourdeur de l'incarnation, de respecter la vie du corps, d'accueillir les émotions positives aussi bien que négatives, celles de l'amour ou de la colère, celles de la vie amoureuse, celles du plaisir comme de la souffrance, au lieu de tenter de choisir les unes et d'exclure les autres.
La voie bouddhiste suivie en Occident est-elle d'ailleurs vraiment celle de l'esprit du Bouddha ?
Et qu'en est-t-il du christianisme ?
Peut-on prétendre que cette voie spirituelle soit plus juste que la voie bouddhiste, telle qu'elle est comprise par les Occidentaux ?
Je n'ai aucune compétence à prétendre à toute affirmation générale. La seule chose que je puisse faire, c'est de vous raconter des rêves qui en parlent. Voici donc aujourd'hui le rêve étonnant d'une fillette.
Rêve : J'ai su ce que c'était que l'amour
C'est un rêve étrange. Je ne sais pas l'endroit.
Un homme apparaît, il boite, il se traîne.
Je sais que cet homme est blessé. C'est le Christ.
Deux compagnons sont avec lui, ce sont les compagnons d'Emmaüs.
Les compagnons se mettent chacun d'un côté du Christ, l'un place le bras gauche du Christ sur ses épaules, l'autre le bras droit. Le Christ peut ainsi poser son poids sur les épaules de ces deux hommes et avancer, ainsi porté, ainsi soutenu.
Le Christ a été blessé lors d'un match de football, il a reçu un coup de pied dans la jambe.
Je le vois avancer vers moi. Je sais que j'aurai à l'aider.
Je le regarde et je vois son visage d'homme souffrant.
Il me regarde et nos yeux se rencontrent, et il me fixe de ses yeux bleus, profonds, intenses,... l'amour m'enveloppe,...
m'envahit,... me pénètre jusqu'à la moelle, tout mon être vibre et brûle. C'est indescriptible.
J'ai su alors ce que c'était que l'amour.
Viviane, toute jeune, a vécu une expérience mystique qui la marquera pour toute sa vie. Comment encore prétendre, devant le récit de cette expérience, que le rêve n'est pas la voie royale où l'âme et le divin entrent en communication ?
Passons à l'interprétation.
Un homme apparaît, il boîte, il se traîne. Cet homme est blessé.
Cet homme, dans le rêve de la petite fille, désigne sa force masculine, que Jung a appelée l'animus. L'image de l'homme, chez la femme, symbolise le principe masculin, qui pense, crée, organise, construit. Il déploie son énergie dans la matière pour la transformer et réaliser son projet. C'est le principe directeur, qui sous-tend toute pensée, tout choix, toute décision, toute action. Ce principe directeur est formé sous l'influence des idées et des opinions régnantes dans la famille et dans l'entourage.
Le rêve indique d'emblée que ce dynamisme est blessé, dans le milieu environnant religieux, culturel et par voie de conséquence, dans la fillette également.
Le Christ
La fillette sait très bien qui est le Christ. Il est le fils de Dieu, de ce dieu dont il dit : « Dieu est Amour ». Or, que montre le rêve ? Le fils du dieu d'amour est blessé. Qu'en déduire d'autre, sinon que la manifestation divine de l'amour est blessée ?
Le Christ a été blessé dans un match de football
La fillette connaît vaguement ce jeu. Elle sait que les hommes aiment beaucoup y jouer. Divisés en deux équipes adverses, les joueurs courent et cherchent à envoyer un ballon avec le pied dans le but de l'adversaire. L'équipe qui marque le plus de buts a gagné.
Le ballon
Ce ballon, le rond, le cercle, la boule sont des symboles de la totalité, de la divinité. Ce ballon est fabriqué. Il désigne une représentation élaborée, une conception humaine du divin.
Le match de foot
Cette rencontre évoque les échanges, les disputes qui ont lieu entre les adversaires, pour faire triompher leur équipe.
L'image décrit ainsi la façon dont l'esprit masculin intellectuel s'est battu pour arriver à imposer une conception de la divinité plutôt qu'une autre. Cette image fait allusion aux disputes, aux guerres, qui au cours des siècles ont opposé les théologiens et les partis religieux. A coups de livres, de discours, d'arguments, lors de séminaires, de colloques, de congrès, de conciles, ils se sont acharnés à vouloir imposer un dogme ou une conception du divin et à condamner l'autre, à coups d' excommunications.
Au cours d'un de ces matchs, le Christ a reçu un coup de pied dans la jambe
Pour tenir debout, l'humain a besoin de ses deux jambes, la droite et la gauche qui maintiennent l'équilibre entre les contraires. Et le rêve montre que le dynamisme intérieur qui permettra à cette fillette de s'affirmer sur la terre a été cassé.
Mais, je le rappelle, le scénario ne décrit pas seulement du cas de Viviane. Le rêve parle de façon générale de la représentation régnante, dans laquelle l'enfant grandit.
Lors d'échanges, la lutte a porté un coup à l'image du dieu vivant parmi les hommes. La manifestation du dieu d'amour a été atteinte, cassée, mutilée. L'image du divin a perdu sa validité. Elle ne tient plus debout, elle ne tient pas la route. Elle est boiteuse, bancale. Son efficacité comme principe spirituel directeur s'en trouve affaiblie, handicapée, et beaucoup restreinte.
L'image suivante va montrer comment porter l'image divine, pour lui rendre son efficacité.
Deux compagnons sont avec le Christ, ce sont les pèlerins d'Emmaüs. Les compagnons se mettent chacun d'un côté, l'un place le bras gauche du Christ sur ses épaules, l'autre le bras droit. Le Christ peut ainsi poser son poids sur les épaules de ces deux hommes et avancer, ainsi porté, ainsi soutenu.
Ceux qui portent le Christ et l'aident à avancer lui offrent, à droite et à gauche, un soutien qui remplace celui des jambes handicapées.
Mais quel est donc cet équilibre perdu entre la droite et la gauche ? C'est l'équilibre entre tous les contraires, et par exemple : le conscient et l'inconscient, l'esprit et le corps, le bien et le mal, le positif et le négatif, le masculin et le féminin, le rationnel et l'irrationnel, le blanc et le noir, la vie et la mort, et tous les contraires qui caractérisent la vie sur la terre.
Cet équilibre est rétabli par les pèlerins d'Emmaüs
Les pèlerins d'Emmaüs ?
Ces deux hommes se rendaient au village d'Emmaüs, parlant avec chagrin de la mort du Christ qui venait d'être crucifié. Un compagnon de route se joignit à eux et ils l'invitèrent à passer la nuit chez eux.
A table, l'homme prit du pain, il rendit grâce, rompit le pain et le leur donna.
Alors les deux compagnons reconnurent le Christ, qui disparut. Ils allèrent immédiatement retrouver les apôtres pour témoigner et dire : « Le Christ est vivant, il était présent avec nous au dîner».
Pourquoi le rêve choisit-il ces pèlerins d'Emmaüs ?
J'ai longuement réfléchi à cette image, depuis que Viviane m'en a parlé.
Je pense qu'une interprétation n'est pas à exclure, celle que nous donne la langue des oiseaux. Je sais qu'elle va en faire bondir certains, mais je resterai fidèle d'abord au rêve et ensuite à ma démarche logique, méthodique, consciencieuse, quitte à choquer. Mais ce n'est pas moi qui choque, c'est le rêve. Je ne suis que la traductrice.
Ecoutons donc :
Emmaüs.
On entend d'abord « em », ...aime
Ma ? Ema, aima...?
Maüs ?....
Ces dernières sonorités ne donnent rien. Continuons à écouter les syllabes.
Aüs ? ...ha..üss... ?
Haïsse, haïssent !
Voilà, ces deux hommes sont ceux qui sont capables d'aimer et de haïr. Ce sont ceux là qui peuvent soutenir ce dynamisme défaillant du dieu d'amour chez la fillette et dans son entourage.
Oh la la ! Quel message ! Quel paradoxe !
Amour, soit, mais haine ? Comment peut-on haïr ?
Peut être convient-il de s'interroger quelque peu sur le sens de ces deux mots ? Voici ce qu'on peut lire par exemple dans le dictionnaire Lafaye de 1858 :
« Haine est le mot général, le nom propre de la passion excitée dans l'âme contre ce qui la blesse ou lui fait peine, comme amour est le nom de la passion produite en nous par ce qui nous agrée. »
Haïr, c'est l'instinct vital qui permet de se défendre contre ce qui fait mal, la colère qui réagit contre ce qui semble inacceptable.
Mais qu'est-ce que l'amour sans la haine ? Une valeur ne peut exister que par son contraire. Aimer et haïr, voilà deux valeurs qui s'opposent mais aussi, qui s'équilibrent et se complètent. S'ouvrir à l'autre, oui, mais aussi savoir marquer la limite.
Terminons l'étude de ce rêve :
Je sais que j'aurai à l'aider
Il est montré à Viviane que la manifestation divine de l'amour est handicapée, parce qu'il lui manque la haine, son aspect opposé et complémentaire. La fillette, puis la femme va avoir alors à travailler sur elle, pour soigner ce dynamisme blessé dans l'âme, rétablir l'équilibre entre les opposés dans l'image divine, lui redonner sa totalité. Elle sera amenée à comprendre et faire comprendre que le divin est une puissance paradoxale dans l'âme, qui demande à l'humain d'apprendre à concilier les contraires.
La suite du rêve amène l'enfant dans une expérience extatique qu'elle n'oubliera jamais ; ce rêve lui donnera la force intérieure pour contribuer à élargir les conceptions régnantes, à corriger la représentation bancale de la divinité, lui redonner sa puissance originelle, sa dimension paradoxale.
Conclusion
Que l'on considère les rêve de Diva avec l'éléphant blanc, de Morgane avec la mort du Dalaï Lama, le rêve de Viviane avec le Christ blessé, on constate que la vie spirituelle de ces femmes occidentales n'est pas valable. La conception du divin, quelle que soit la religion pratiquée est insuffisante, unilatérale, boiteuse. L'inconscient le sait, le montre dans le rêve et vient conseiller, demander de rétablir l'équilibre manquant, car il y va de la vitalité non seulement de la rêveuse, mais de son entourage.
La représentation valide du divin est perdue et comme l'a dit Jung, « un peuple qui perd ses dieux est un peuple qui meurt ».
Illustrations
Carl Gustav Jung
Etienne Perrot
Gayle Delaney et Christiane Riedel
Christ et Bouddha, 1890, du peintre français Paul Elie Ranson
Oiseau de feu : http://pensamientocritico.files- wordpress.com
Ballon de foot : http://28.img.v4.skyrock.net
Match : http://blogimages.skynet.be
Ballon dans le but : http://eag-tv.com
Concile de Nicée
Concile de Nicée
Excommunication
Coup de pied dans le tibia : http://photo.parismatch.com
Gregory Coupet du club Paris Saint Germain a pris un coup de pied qui lui a fracturé le tibia : http://4bp.blogspot.com
Les pèlerins d'Emmaüs, 1628, par le peintre hollandais Rembrandt
Caducée de feu : http://www.teaser.fr
Yeux bleus : Roméo Sarfati; http://static1.purepeople.com
Commentaires
Bonsoir Christiane,
Ne peut-on pas considérer que les compagnons d'Emmaüs puissent aussi parler de l"association fondée par l'abbé Pierre, association dont Viviane a peut-être entendu parlé, et "qui permet à chacun de se remettre debout, à son rythme, par l'exercice d'une activité solidaire et tournée vers les autres" (définition des buts de l'association) : et il s'agit aussi des disciples qui ont reconnu le Christ dans un homme ordinaire, qui ne se sont pas laissé tromper par les apparences :
Si je reprends le rêve : ces compagnons soutiennent bien un homme blessé pour l'aider à se remettre debout : pour cela, ils sont solidaires, tournés vers celui qui souffre, prêts à le soutenir jusqu'à ce qu'il marche tout seul, car ils savent qu'ils aident le divin : le soutiennent à droite et à gauche : aussi bien dans son féminin que dans son masculin : travaillent ensemble, dans ses deux polarités. Alors il y a équilibre, au contraire des équipes de foot, qui sont deux, mais que des hommes qui travaillent les uns contre les autres.
Cela montre à Viviane que pour aider le Christ en elle, elle ne devra pas donner foi aux conceptions humaines du divin, mais avoir une foi vivante, aussi vivante que ce regard qui la traverse, qui est de l'ordre du ressenti et qui ouvre son féminin. Pour cela, il lui faudra vivre ses côtés masculins et féminins en même temps et de façon équilibrée.
C'est à dire soumettre ses pensées à l'aulne de son ressenti, et quand elle le sent, y aller.
Bien sûr, dans la polarité droite-gauche, on peut aussi entendre amour haine (quand le ressenti parle, on peut ressentir aussi la haine), mais je trouve réducteur de réduire ce rêve à ça. Surtout que le jeu de mots avec Emmaüs n'est qu'approximatif.
Et pour le ballon de foot, on peut dire que ce ballon rond est constitué de plusieurs morceaux de cuir, blancs et noirs, assemblés ensemble, séparés par des coutures : il s'agit donc bien d'une conception humaine du divin fabriquée de toutes pièces, un assemblage de notions noires et blanches comme celles du diable (noir) et bon dieu (blanc), du paradis et de l'enfer : notions vécues de façon à la fois séparées et cousues (de fils blanc) ensemble.
En résumé, on peut dire qu'il est demandé à Viviane de vivre dans l'unité (droite-gauche) ce qui pourrait se vivre, si l'on s'en tient aux points de vue humains, dans la séparation (noir-blanc). C'est à dire au niveau du coeur et non des idées, le coeur synonyme de courage qui sait dire oui ou non selon ce qui est là.
Bonsoir Christiane,
Ne peut-on pas considérer que les compagnons d'Emmaüs puissent aussi parler de l"association fondée par l'abbé Pierre, association dont Viviane a peut-être entendu parlé, et "qui permet à chacun de se remettre debout, à son rythme, par l'exercice d'une activité solidaire et tournée vers les autres" (définition des buts de l'association) : et il s'agit aussi des disciples qui ont reconnu le Christ dans un homme ordinaire, qui ne se sont pas laissé tromper par les apparences :
Si je reprends le rêve : ces compagnons soutiennent bien un homme blessé pour l'aider à se remettre debout : pour cela, ils sont solidaires, tournés vers celui qui souffre, prêts à le soutenir jusqu'à ce qu'il marche tout seul, car ils savent qu'ils aident le divin : le soutiennent à droite et à gauche : aussi bien dans son féminin que dans son masculin : travaillent ensemble, dans ses deux polarités.
Alors il y a équilibre, au contraire des équipes de foot, qui sont deux, mais que des hommes qui travaillent les uns contre les autres.
Cela montre à Viviane que pour aider le Christ en elle, elle ne devra pas donner foi aux conceptions humaines du divin, mais avoir une foi vivante, aussi vivante que ce regard qui la traverse, qui est de l'ordre du ressenti et qui ouvre son féminin. Pour cela, il lui faudra vivre ses côtés masculins et féminins en même temps et de façon équilibrée. C'est à dire soumettre ses pensées à l'aulne de son ressenti, et quand elle le sent, y aller.
Bien sûr, dans la polarité droite-gauche, on peut aussi entendre amour haine (quand le ressenti parle, on peut ressentir aussi la haine), mais n'est-ce pas réducteur de réduire ce rêve à ça. Surtout que le jeu de mots avec Emmaüs n'est qu'approximatif.
Et pour le ballon de foot, on peut dire que ce ballon rond est constitué de plusieurs morceaux de cuir, blancs et noirs, assemblés ensemble, séparés par des coutures : il s'agit donc bien d'une conception humaine du divin fabriquée de toutes pièces, un assemblage de notions noires et blanches comme celles du diable (noir) et bon dieu (blanc), du paradis et de l'enfer : notions vécues de façon à la fois séparées et cousues (de fils blanc) ensemble.
En résumé, on peut dire qu'il est demandé à Viviane de vivre dans l'unité (droite-gauche) ce qui pourrait se vivre, si l'on s'en tient aux points de vue humains, dans la séparation (noir-blanc). C'est à dire au niveau du coeur et non des idées, le coeur synonyme de courage qui sait dire oui ou non selon ce qui est là.
Bonjour Aline,
Je vais tenter de répondre aux différents points de votre commentaire.
Vous posez la question :
« Ne peut-on pas considérer que les compagnons d'Emmaüs puissent aussi parler de l"association fondée par l'abbé Pierre ? »
C’est le premier point que j’ai pris en considération quand j’ai étudié ce rêve avec la rêveuse. Pour elle, ces deux hommes sont les deux pèlerins qui ont marché sur la route avec le Christ en se rendant au village d ‘Emmaüs et, le soir venu, lui ont offert l’hospitalité.
Elle ne connaissait pas la compagnie fondée par l’Abbé Pierre, quand, petite fille, elle a reçu ce rêve.
Dans ce rêve, même si l’expression employée est « compagnons d’Emmaüs », pour la rêveuse il s’agit expressément des pèlerins d’Emmaüs dont elle connaît très bien l’histoire pour en avoir entendu parler à l’église.
***
Vous avez bien senti, comme je l’ai montré, que l’image du Christ blessé décrit une faiblesse dans l’équilibre des contraires.
Vous dîtes :
« Bien sûr, dans la polarité droite-gauche, on peut aussi entendre amour haine (quand le ressenti parle, on peut ressentir aussi la haine), mais je trouve réducteur de réduire ce rêve à ça. »
Je ne partage pas votre point de vue.
Vous trouvez réducteur de prendre en considération l’opposition – complémentarité qui règne entre l’amour et la haine.
Il faut bien comprendre qu’il s’agit ici d’une représentation de la divinité, c’est à dire du point de référence fondamental, central et vital, qui décide de tous les choix et des comportements dans la vie.
Quelle est la représentation de cette enfant, telle que la société autour d’elle la transmet ? Il est question du dieu d’amour, dont on lui dit « Dieu est Amour ».
Qu’est-ce que c’est que l’amour ?
Pourrez-vous me le dire ?
Pour cette enfant, comme pour beaucoup de personnes aussi, c’est être ouvert aux autres, les accepter, le faire du bien, c’est à dire avoir un comportement à leur égard qui leur plaise.
La représentation régnante de la divinité est en fait une force définie sous le terme de « Summum Bonum » par les théologiens. Dieu est Amour, Dieu est bon, il est le Bien Suprême.
Vous dîtes qu’il est réducteur de réduire le rêve à "ça", à la question de l'amour et de la haine.
Mais si l’amour est l’essence de la divinité, est-ce réducteur de le prendre en considération ? Qu’y-a-t-il donc de plus important que l’amour dans notre conception de la vie ? On en parle partout et tout le temps dans notre société.
Le rêve vient alors montrer à l’enfant que l’amour ne peut pas exister sans la haine, c’est à dire sans la capacité de se défendre, de refuser, de dire non, de détester des comportements qui la blessent et de lutter pour y mettre fin. Cette enfant, comme beaucoup, est trop gentille et doit apprendre à se défendre. Mais à travers elle, c’est tout le milieu, dans lequel elle vit, qui baigne dans cette conception à laquelle le rêve vient apporter une compensation.
On veut présenter une image d’un Christ doucereux, gentil, mais n’a-t-il pas exprimé violemment sa haine des commerciaux qui s’installaient dans le temple pour vendre leur marchandises ? N’a-t-il pas eu la haine des pharisiens, ces docteurs de la loi qui tuent la vie de l’âme au nom de principes soit disant immuables ? C’est d’ailleurs bien pour cela qu’il a été poursuivi et crucifié.
Quand il est question d’un dieu qui s’appelle « Amour », je le répète, il ne me semble pas, à moi, qu’il soit réducteur de considérer cette image du fils du dieu d’amour sous cet angle de l’amour et par conséquent aussi de la haine.
Avez-vous saisi la dimension de ce rêve qui ne parle que d’amour, puisque la petite fille fait dans son rêve l’expérience bouleversante du feu de l’amour divin et finit par dire « J’ai su ce que c’était que l’amour ». C’est le sujet même du rêve.
***
Vous dîtes aussi :
« Surtout que le jeu de mots avec Emmaüs n'est qu'approximatif ».
Je suis étonnée de votre remarque. Les rêves jouent avec les mots, avec les sonorités et demandent une certaine souplesse de l’ouïe. Souvent ils jouent sur des alternances vocaliques bien connues en phonétique, comme l’alternance u et i que l’on trouve par exemple dans la façon dont le mot grec « gumnasion », est passé en français avec le mot gymnase, mot dans lequel le « u » originel est devenu un « i ».
***
Pour pouvoir répondre de façon constructive à votre analyse intéressante du ballon, je voudrais mieux comprendre ce que vous voulez dire exactement quand vous parlez du diable et du bon dieu, du paradis et de l’enfer, notions vécues à la fois séparées et cousues (de fils blanc ensemble). ( Pourquoi écrivez vous fils ?)
Que signifient notions séparées et cousues ?
***
Enfin, je ne comprends pas bien votre conclusion :
« En résumé, on peut dire qu'il est demandé à Viviane de vivre dans l'unité (droite-gauche) ce qui pourrait se vivre, si l'on s'en tient aux points de vue humains, dans la séparation (noir-blanc).
Je ne comprends pas comment on peut vivre dans l’unité droite gauche en étant dans la séparation noir blanc.
***
« si l'on s'en tient aux points de vue humains »
La question en effet est que justement le rêve ne s’en tient pas aux points de vue humains. Le rêve donne le point de vue de l’inconscient, qui n’est pas celui du conscient mais qui vient le compenser. C’est là la valeur du rêve qui nous apprend à voir les choses autrement, qui vient élargir notre point de vue pour nous permettre de mieux nous adapter aux circonstances variées de la vie. Le rêve ne parle pas d’unité ni de séparation, il parle d’alternance des contraires.
On ne peut pas interpréter un rêve en partant des points de vue humains. De cette manière, on limite d’emblée et délibérément la portée du rêve et on lui plaque des idées toutes faites au lieu de se laisser surprendre et d’entrer dans la découverte, aussi dér&angeante qu'elle soit.
***
Je poursuis :
Je ne comprends pas ce que vous voulez dire quand vous écrivez :
« On peut dire qu'il est demandé à Viviane de vivre dans l'unité (droite-gauche) ce qui pourrait se vivre, si l'on s'en tient aux points de vue humains, dans la séparation (noir-blanc). C'est à dire au niveau du coeur et non des idées, le coeur synonyme de courage qui sait dire oui ou non selon ce qui est là. »
Je ne comprends pas ce que signifie
« vivre dans la séparation noir blanc, c’est à dire au niveau du cœur ».
Et enfin, qu’est-ce que c’est que le cœur ?
Qu’est-ce que c’est qu’avoir du cœur ?
Pour vous Aline, « le cœur est synonyme de courage qui sait dire oui ou non selon ce qui est là ».
Et là, j’entends Cyrano s’exclamer :
« Ah ! Non ! C'est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire... oh ! Dieu ! ... bien des choses en somme...
En variant le ton, — par exemple, tenez :… »
« DON DIÈGUE
Rodrigue, as-tu du cœur ?
DON RODRIGUE
Tout autre que mon père
L'éprouverait sur l'heure.
DON DIÈGUE
Agréable colère !
Digne ressentiment à ma douleur bien doux !
Je reconnais mon sang à ce noble courroux ;
Ma jeunesse revit en cette ardeur si prompte.
Viens, mon fils, viens, mon sang, viens réparer ma honte ;
Viens me venger.
DON RODRIGUE
De quoi ?
DON DIÈGUE
D'un affront si cruel,
Qu'à l'honneur de tous deux il porte un coup mortel :
D'un soufflet*. L'insolent en eût perdu la vie ;
Mais mon âge a trompé ma généreuse envie ;
Et ce fer que mon bras ne peut plus soutenir,
Je le remets au tien pour venger et punir.
Va contre un arrogant éprouver ton courage :
Ce n'est que dans le sang qu'on lave un tel outrage ;
Meurs ou tue. "(2)
Vous savez que Rodrigue tuera en effet celui qui a insulté son père et qui n’est autre que le père de Chimène, sa fiancée.
Il a eu du cœur.
Qu’est-ce que c’est avoir du cœur ?
Amour et haine…
Je suis désolée, Aline, j’ai accordé toute mon attention à votre commentaire, j’ai passé 4 heures à y réfléchir et à y répondre, mais j’avoue, je crois que je ne suis pas arrivée à comprendre votre pensée. Je me répète, j’en suis désolée.
Bien à vous
Christiane
Citation :
* soufflet : gifle
1 Cyrano de Bergerac, La tirade du nez, 1897, Edmond Rostand
2 Le Cid,1637, de Pierre Corneille, écrit il y a 373 ans
Bonjour Christiane,
En fait, je voulais exprimer exactement ce que vous exprimiez, mais c'est le sens que nous donnons aux mots qui fait que nous ne nous comprenons pas : oui, quand vous dites haine, j'entendais le sens que vous donnez quand vous parlez de Cyrano : car s'il existe un amour infini, existe-t-il une haine infinie ?
Car ce mot haine est souvent employé pour parler de tout ce qui va jusqu'à la destruction, comme le racisme, l'oppression, l'extermination.
Du coup, dire que le coeur c'est le courage parait réducteur, oui, mais j'entendais courage dans le sens de donner suite à ce que l'on ressent quand le coeur est blessé, c'est à dire courage d'exprimer ce qui ne va pas.
Bon, j'ai encore des progrès à faire dans mon expression :
« On peut dire qu'il est demandé à Viviane de vivre dans l'unité (droite-gauche) ce qui pourrait se vivre, si l'on s'en tient aux points de vue humains, dans la séparation (noir-blanc). C'est à dire au niveau du coeur et non des idées, le coeur synonyme de courage qui sait dire oui ou non selon ce qui est là. »
Je disais juste qu'il est demandé à Viviane de vivre dans l'unité des polarités droite-gauche, alors que si elle se contentait de vivre selon son éducation (points de vue humains), elle vivrait dans la séparation (noir-blanc = c'est bien ou c'est mal, avec des notions religieuses du paradis ou de l'enfer).
C'est à dire qu'il lui est demandé de vivre au niveau du coeur et non des idées toutes faites que lui ont donné son éducation, au niveau du coeur qui lui donnera le courage d'exprimer son ressenti, à dire quand elle se sent blessée...
A marquer ses limites.
Je suis désolée de vous avoir donné tant de mal à me décrypter, mais cela a permis de mieux expliquer ce qu'était la haine, qui est différente de la fierté, de la vexation, du sens de l'honneur mal placé, du désir de domination : qui sont des valeurs qui conduisent à la destruction, alors que la haine et l'amour se situent dans le ressenti profond.
Oui, finalement j'ignorais le sens du mot haine : merci de me l'avoir fait mieux comprendre.
Chère Madame Riedel,
J'ai reçu il y a un mois environ vos deux ouvrages que j'attendais avec beaucoup d'impatience. Je n'ai pas été déçue!
Dans le premier "Rêves à Vivre" J'ai découvert toute la méthodologie d'interprétation des rêves, avec des exemples fort bien choisis et bien décortiqués : c'était fabuleux.
J'ai également découvert dans cet ouvrage la fonction essentielle du rêve pour chacun de nous et je suis tout à fait en accord avec l'exposé que vous faites. Pour moi c'est tout simplement lumineux. J'essaye patiemment de mettre votre méthode en application sur mes propres rêves. Il n'est pas facile de rester assez "neutre" pour faire son propre interview... Mais petit à petit je suis frappée de la cohérence des messages lorsque je réussi l'analyse.
L'ouvrage "Amour et Sexe dans vos Rêves" m'a apporté beaucoup de surprises et de révélations. Je prends le temps de le "digérer" car il "secoue" : il y a tant de choses à repenser... C'est une grande remise en question sur soi-même et sur ce que l'on inculque dans une éducation traditionnelle...
Vos deux ouvrages sont passionnants et les deux sont bien utiles pour avancer vers le mystérieux monde des rêves.
Je crois que vous préparez d'autres ouvrages, j'espères qu'ils paraîtront bientôt.
Encore félicitations pour ces ouvrages et pour votre blog dont je suis une fidèle lectrice.
Bien amicalement.
J’ai pris plaisir à consulter votre billet