Bonjour mes chers blogueuses et blogueurs,
Bonjour Judith, Natacha, Morgane, Minerve, Aline
Merci de vos commentaires. Je viens vous répondre.
Natacha, parlons d’abord d’Obama. Peut être, comme ses compatriotes Lincoln ou Patton, raconte-t-il ses rêves à sa femme ou son entourage. Qu’en sait-on ?
Et que dire du discours fulgurant, inspiré, du pasteur baptiste afro-américainMartin Luther King :
“I have a dream …”
Vous posez, Natacha, une question intéressante :
« Le fait que les dirigeants ne parlent pas officiellement de leurs rêves n'est-il pas plutôt lié à l'importance de la laïcité en France ? »
Pour y répondre je poserai d’abord une autre question :
Qu’est-ce que la laïcité et la laïcité en France ? De quand date ce principe ?
Voici ce qu’on peut dire :
Le mot laïc s’oppose au mot clérical ; est laïc celui qui ne fait pas partie du clergé.
Pendant des siècles en France le pouvoir politique et l’Eglise catholique se sont unis. Cette alliance est à la base même de la monarchie française absolutiste sous Louis XIV. A partir de la Révolution de 1789, le principe de la laïcité va se développer et conduit cent ans plus tard en 1905 à la loi de la séparation de l’église et de l’état, de façon à supprimer toute ingérence de l’une dans l’autre et réciproquement.
Maintenant d’autres questions se posent :
En quoi parler de ses rêves n’est-il pas laïc ?
Un rêve personnel est-il lié à une institution cléricale pour qu’un dirigeant ne puisse en parler dans un pays laïc ?
Par ailleurs, depuis le premier roi français, Clovis, en 480, a-t-on entendu parler en France des rêves des dirigeants du pays ? Trouve-t-on des récits de rêves dans les chroniques, les biographies, les correspondances ? Cela n’est pas connu.
Je ne pense donc pas, Natacha, que parler de ses rêves en France soit lié au respect de la laïcité, qui a été déclaré un principe légal il y a tout juste cent ans.
Vous rappelez, Morgane et Minerve, les raisons historiques de la situation : l’Eglise catholique romaine, pour imposer son pouvoir, se devait d’être la voix exclusive du divin et ne pouvait tolérer que n’importe quel « lambda » se déclare inspiré du Saint Esprit dans ses rêves.
Le fait que le divin puisse s’adresser en rêve ,à n’importe qui, a déjà été, bien des siècles plus tôt, un sujet de préoccupation pour les Grecs. Dans son livre « La vérité des rêves » le philosophe Aristote (384-322 avant J.C.) émet un opinion très humaine : il juge absurde le fait que le rêve puisse être envoyé par un dieu, et en même temps, s’adresser à n’importe qui, même au plus nul.
Pour lui c’est une contradiction en soi, parce que Dieu ne saurait s’adresser au « premier venu » pour lui donner des révélations exceptionnelles.
Et pourtant, le philosophe est bien obligé de constater la réalité de ce fait aberrant.
Des siècles plus tard, l’Eglise a vérifié à son tour cette réalité qui venait contredire et déstabiliser son autorité. Il fallait supprimer les rêves et ce fut fait. Bien des hommes et des femmes du commun des mortels, qui racontaient leurs rêves et leurs visions, en sont morts.
La question des rêves est réellement difficile. Elle est liée au respect de la liberté individuelle face à tout pouvoir, qu’il soit religieux ou laïc.
Un témoignage passionnant existe au sujet des rapports entre le rêve et le pouvoir.
C’est celui du jésuite canonisé Saint Jean de Bréboeuf, ( 1593-1649) missionnaire et martyr en Nouvelle France, au Canada d’aujourd’hui.
Ethologue précurseur il étudie les mœurs des Indiens :
« Le rêve, écrit-il, est l’oracle que tous les peuples consultent et écoutent. Il est le Prophète qui leur annonce les évènements futurs, le médecin habituel de leurs maladies, l’Esculape de tout le Pays… A vrai dire, le Rêve est le principal et le plus grand dieu des Hurons…
En missionnaire il poursuit :
« Ces peuples ont une croyance aux rêves qui surpasse toute croyance et, si les chrétiens mettaient en exécution toutes les inspirations divines avec autant de soins que nos sauvages exécutent leurs rêves, sans doute deviendraient-ils bientôt de grands saints… »
Le jésuite, qui sait ce que c’est qu’obéir à un Ordre, observe aussi le rapport entre l’autorité intérieure détenue par le rêve individuel et l’autorité extérieure détenue par un pouvoir humain et il note :
« Le Rêve est leur Seigneur et leur Maître absolu ; Si d’un côté leur chef leur parle, et de l’autre leur Rêve, le chef aura beau crier et menacer, d’abord il faudra obéir au rêve. »
Quel témoignage surprenant ! De façon remarquable de Bréboeuf met fortement en évidence que dans ces tribus indiennes, le rêve est non seulement le guide de la vie quotidienne mais aussi le garant de la liberté individuelle par rapport au pouvoir extérieur, qui s’y soumet.
Morgane, j’ai apprécié aussi votre commentaire :
« …même si les catholiques ont accès à la Bible aujourd'hui, je n'en ai jamais entendu dire que les rêves viennent de Dieu. Les quelques catholiques avec lesquels j'en ai parlé se sont demandés comment je pouvais dire une chose pareille. »
La situation semblerait peut être changer un peu, mais je dois quand même bien abonder dans votre sens.
J’ai parlé des catholiques en France, je peux aussi parler des protestants qui m’ont laissé quelques mauvais souvenirs.
Quand il y a 20 ans je me suis présentée à 3 pasteurs différents, calviniste, évangéliste, luthérien, je me suis fait « jeter » :
L’un m’a traitée de sorcière, l’autre m’a dit que les rêves étaient diaboliques...
Le troisième était furieux après moi : si je déclare que je suis interprète de rêves, et que Dieu parle dans les rêves des hommes d’aujourd’hui comme autrefois, qu’en est-il alors du message et de l’autorité du pasteur en face de l’interprète de rêves ?
Et nous y revoilà !
A mon grand étonnement, je n’ai guère vu de différence entre l’opinion de ces pasteurs et la position catholique traditionnelle.
Merci aussi Aline pour votre témoignage où vous dîtes :
« J'ai discuté avec un jeune curé au sujet des rêves : il a trouvé ce que je disais intéressant, il ne s'était jamais posé la question, mais pour lui, les rêves ne pouvaient venir de Dieu s'ils donnaient des réponses différentes de celles de l'Eglise. Mais il m'a semblé touché. »
Magnifique réponse qui semblerait sous-entendre ce qui suit : Si le rêve parle comme l’Eglise, alors il vient de Dieu, parce que l’Eglise, sait seule et absolument comment Dieu parle.
Et si le propos du rêve contredit celui de l’Eglise, de qui vient – il donc alors ?
Du diable, peut-être ?
Et nous y revoilà !
Mais finalement j’en reviens à poser de nouveau une question :
Pourquoi les pasteurs et les curés n’apprendraient-ils pas à interpréter les rêves ?
Loin de toutes les querelles d’autorité et de pouvoir, de nombreux pasteurs interprètent maintenant les rêves depuis 50 ans aux Etats Unis, en Hollande aussi.
Ils le font dans leur paroisse, dans les prisons aussi et témoignent de leurs expériences. L’un des pionniers a été un analyste jungien, le pasteur John A Sanford à l’église épiscopalienne de San Diego.
Ne sera-ce pas là, Natacha, le véritable renouveau charismatique dont vous parlez,qui conduit à écouter la voix de l’inconscient ( qu’est-ce que l’inconscient ?) qui parle à chacun dans ses rêves ?
Remarque